Les usines en Chine populaire pendant la révolution culturelle

Les travailleurs chinois avant la révolution

 

Avant 1949, date de la prise du pouvoir par les communistes chinois, la Chine était extrêmement pauvre ; la production industrielle par habitant était inférieure à celle de l'Inde.

A la campagne, la majorité des paysans ne possédaient pas de terre; ils travaillaient sur celles des propriétaires fonciers, qui les exploitaient férocement et leur extorquaient chaque année une grande partie de leur récolte sous forme de fermage. De plus les famines se succédaient (inondations, sécheresse etc.)

Pour les ouvriers, exploités par les capitalistes •— souvent étrangers (Japonais, Anglais ou Français) — la situation était aussi misérable. De plus le chômage était très répandu.

A cette époque, « 3 grandes montagnes » pesaient sur le peuple chinois : l'impérialisme, le féodalisme et le capitalisme bureaucratique.

De la « longue marche » (1934-35) à la guerre civile (1945-49) contre le Kuomintang de Tchiang Kai Tchek et les couches corrompues de capitalistes bureaucratiques qu'il représentait, la lutte a été longue et difficile pour créer la Chine nouvelle.

Aujourd'hui, on n'oublie pas le passé : souvent, ceux qui l'ont vécu le racontent aux enfants, afin qu'ils connaissent, eux aussi, ce qu'était la vie du peuple chinois il y a une trentaine d'années, afin qu'ils comprennent ce qu'était l'exploitation de la classe ouvrière à cette époque.

Voici le récit qu'à fait, au mois d'août 1971, en présence de membres de l'Association des Amitiés franco-chinoises, une ouvrière d'une cinquantaine d'années de l'usine d'impression sur tissus de Sian. Un groupe d'élèves de l'école de la cité ouvrière de l'usine l'écoutait attentivement raconter ce qu'avait été pour elle 1'"ancienne société"

« Avant la libération, nous étions 7 personnes dans ma famille : mes parents avaient 5 enfants. Aujourd'hui, il ne reste plus que moi.

Lorsque j'avais 3 ans, mon père est mort. Ma mère m'a emmené dans le Shensi, afin d'y chercher à manger. Nous n'avions ni de quoi nous nourrir, ni de quoi nous loger. Nous demandions partout. Ma mère a demandé à quelqu'un de me présenter pour que j'aille travailler en usine. J'étais encore une enfant.


Pendant l'apprentissage, je travaillais 12 heures par jour. Lorsque je ne réussissais pas à filer le coton, j'étais battue par le contremaître.

Le patron ne prenait pas soin de la vie des ouvriers. Il ne portait guère d'attention à la sécurité. L'air était empoisonné, et souvent, des ouvriers perdaient connaissance à cause de la chaleur. Moi-même, j'ai eu mal aux pieds à cause de la chaleur, et j'avais du mal à rester debout.

Malgré cela, le patron ne me donnait pas de congé pour consulter un médecin. J'ai alors été obligée de travailler alternativement debout et à genoux.

J'ai demandé plusieurs fois un congé : toujours il refusait (elle pleure).

A la fin, il m'a donné un jour de congé. J'ai pu rentrer à la maison. J'ai dit à ma mère que je ne pouvais plus supporter, que je travaillais à genoux et qu'il me frappait quand même ; ma mère pleurait et m'embrassait.

Le lendemain, je ne pouvais pas travailler : je suis restée à la maison. Le 3ème jour, on me chassait de l'usine.

J'ai alors été travailler avec ma mère dans une usine de vestes

— Je cousais les boutonnières —; comme j'y étais très exploitée, ma mère m'a fait présenter ailleurs.

Après deux mois de travail, j'ai eu une grosse fièvre; j'ai perdu la connaissance et ai fait une chute. Mes collègues m'ont épaulé pour me demander un congé. Elles m'ont aidé.

Ma mère a vu que j'avais mauvaise mine. Elle m'a embrassé. je lui ai dit : « je préfère mourir de faim vers toi que travailler ? l'usine ». Elle m'a répondu : « si j'avais les moyens, je ne t'enverrais plus à l'usine où tu dois supporter des souffrances ».

Comme elle n'avais pas de quoi payer pour me faire soigner, elle m'a fait des potions d'herbes arrachées. J'ai fini par guérir.

Ensuite, j'ai travaillé dans une usine de couvertures.

Plus tard, j'ai travaillé encore ailleurs.

Vous ne pouvez imaginer combien de personnes sont mortes de faim, combien d'autres de froid, combien de travailleurs ont été frappés par le patron.

Ce que je vous ai raconté n'est qu'un épisode de mes souffrances d'avant la libération.

— Vous menez une vie heureuse, inimaginable pour moi

avant la libération.

Aujourd'hui, ma famille est composée de 7 personnes.

Mon aîné est diplômé de l'Institut supérieur ; il se rééduque actuellement à la campagne.

Mon 2ème est diplômé de l'école secondaire; il est actuellement dans l'Armée Populaire de Libération.


Mes 3ème, 4ème et 5ème font leurs études.

Nous avons des montres, la radio, bicyclette et machine à coudre. C'est grâce au Parti Communiste et au Président Mao qui ont libéré la patrie.

En terminant, je souhaite aux écoliers de bien faire leurs études, de s'assimiler des connaissances, ainsi que les souffrances du passé et le bonheur d'aujourd'hui.

Ainsi, vous pourrez utiliser le pouvoir pour mieux servir le peuple, le socialisme, et mieux soutenir la révolution mondiale. »

La plupart des vieux ouvriers chinois pourraient faire des récits semblables à celui-ci. Car avant 1949, les ouvriers, exploités au maximum par les capitalistes, vivaient dans des conditions misérables (salaires très bas, prix sans arrêt en hausse, logement dans des taudis malsains, etc.) Ils se sont organisés et ont fait des grèves, aussi bien pour leurs revendications que contre les impérialistes étrangers qui pillaient la Chine.

A Changhaï, un docker nous a raconté dans quelles conditions il travaillait avant la libération, et comment il a participé à des grèves.

« Avant la libération, j'ai travaillé pendant 10 ans. J'étais docker ambulant : lorsqu'il y avait un cargo, je travaillais ici à le décharger. Lorsqu'il n'y en avait pas, j'étais au chômage.

J'ai été exploité.

Des 4 quais, l'un appartenait aux anglais, l'un aux américains, l'un aux japonais et l'autre aux capitalistes chinois compradors (alliés de l'impérialisme).

Il n'y avait de grue que pour les marchandises de 2 à 3 tonnes. Ce qui pesait 50 ou 100 kgs était porté sur les épaules.

Nous n'avions pas de quoi nous nourrir et nous vêtir; le salaire était insuffisant pour se nourrir soi-même. Notre vie était très mauvaise; nous mangions moins bien que le porc ou le chien du patron.

Je portais des sandales de paille de riz de 3 sous qui ne tenaient qu'un jour.

Sur le plan politique, les dockers chinois étaient frappés et injuriés sans raison. Ainsi, dans le quai n° 3, qui appartenait aux japonais, des acolytes des japonais semaient la discorde parmi les ouvriers.

Au rez-de-chaussée du bâtiment où nous sommes, il y a un dispensaire. C'était avant une prison provisoire. Aux arbres proches, on liait ou suspendait souvent les dockers.

(il parle avec animation)

La bourgeoisie compradore et l'impérialisme préféraient aux dockers chinois les coolies misérables.


Les dockers ne se résignaient pas à l'exploitation. Il y a eu sou-vent des luttes. Moi-même, j'ai participé à 2 grandes grèves. Une fois, il y avait un cargo US chargé de canons, de fusils et de munitions pour le Kuomintang ; ils voulaient les emmener à Tal-lien, au Nord-est de la Chine. Les dockers ont fait une grève perlée, et au fur et à mesure, les américains devenaient plus pressants ('ceci se passait après la capitulation des japonais, quand Tchiang Kai Chek luttait contre le Parti Communiste Chinois).


Nous avons fait 16 heures de grève; les soldats frappaient les dockers pour les faire charger plus vite. Alors les dockers se sont assis, sur le cjuai et se sont laissé frapper. A la fin, le KMT a demandé à négocier. Les dockers ont choisi des délégués, qui ont fait des demandes d'augmentation de salaires; en réalité, le but était de faire perdre du temps au Kuomintang.

Finalement, nous avons obtenu 50 % d'augmentation de salaire.

Une autre fois, les US demandaient un déchargement en 24 heures. Nous avons refusé et fait 8 heures de grève. Les réactionnaires ont dû augmenter les salaires de 30 %.

Nous avons eu une expérience négative : une fois, nous avons fait 2 jours de grève, mais nos dirigeants avaient été acheté pour 3 yuans par le patron. La grève a échoué, mais quelques temps après, ces jaunes étaient tués par les réactionnaires eux-mêmes !

J'ai participé à peu de luttes avant la libération.

Avec les quelques augmentations des salaiaes, nous n'étions pas tirés d'affaire, car les prix augmentaient très vite !

C'est seulement en 1949 ,lorsque Changhai a été libérée, que nous avons eu l'affranchissement définitif, grâce au Parti Communiste Chinois et au Président Mao.

Aujourd'hui nous avons des souliers de cuir et non de paille de riz; nous avons des habits et non des sacs de jute; d'ailleurs., le port fournit deux vêtements de travail par an.

Avant, nous déchargions sur nos épaules; aujourd'hui, nous avons des moyens modernes — ou des moyens du bord — pour diminuer la difficulté du travail ; il y a des grues, et nous n'avons plus i\ monter et descendre les escaliers avec les sacs sur les épaules.

Aujourd'hui, et depuis la Grande Révolution Culturelle prolétarienne, je suis membre permanent du Comité révolutionnaire du port. Ma nièce est membre du Comité du Parti et déléguée à l'assembJée nationale. Pourtant, nous sommes d'une famille ouvrière.

Nous devons ce bonheur au Parti Communiste Chinois et au Président Mao.

Je ne sais pas bien parler, mais voilà ce que j'avais à dire. »

Par leurs luttes et leurs grèves, les ouvriers chinois ont pu obtenir un certain nombre d'augmentations de salaires ; mais cela n'empêchait pas les prix de monter. Ils ont pu aussi faire reculer les impérialistes de nombreuses fois : mais cela n'empêchait pas ceux-ci de continuer à piller les richesses de la Chine et de faire des profits sur le travail du peuple chinois.

Pour obtenir une victoire définitive sur ceux qui les exploitaient, les travailleurs chinois ont dû s'organiser; car la bourgeoisie, elle aussi, était organisée, et elle avait une puissante armée, lis ont dû aussi s'éduquer, savoir faire le bilan de leurs luttes partielles afin de mieux connaître leur ennemi et de savoir comment le vaincre.

C'est peur ces raisons qu'a été créé le Parti Communiste Chinois.

Dès sa création, en 1921, il a aidé les ouvriers à s'organiser pour mener leurs luttes. Il a aussi fait le bilan des luttes menées afin d'éviter de recommencer deux fois les mêmes erreurs et afin d'éduquer les ouvriers dans la lutte. Il a aidé ceux-ci à s'assimiler la théorie révolutionnaire qui leur a permis de vaincre.

En Août 1970, un ouvrier retraité de l'usine de locomotives «7 février», dans la banlieue de Pékin, nous a raconté comment, peu de temps après sa fondation, le PCC a aidé les ouvriers de son usine à s'organiser, puis à mener une grande grève. Il nous a enfin raconté quelles leçons le Parti avait tiré de cette lutte.

«J'ai travaillé dans cette usine durant 50 ans. Je suis un ouvrier ordinaire; maintenant, je suis en retraite.

J'ai pris part à la grève du 7 février 1923. Ce fut une lutte menée par la classe ouvrière pour le droit d'exister, pour une position dans la société, pour sa libération. Cette lutte fut menée à la lumière de la pensée-maotsétoung, sous l'influence de la révolution russe et sous la direction du Parti Communiste Chinois. Ce fut le premier essor dans l'histoire du mouvement ouvrier chinois.


Grâce à cette lutte, les ouvriers se sont débarrassés de certaines idées fausses; ils sont passés de la lutte économique à la lutte politique. Cette lutte a connu des revers et des échecs mais la révolution en a tiré des leçons et depuis avance victorieusement.


Les ouvriers chinois sont montés sur la scène de la révolution mondiale et leur lutte est devenue une composante de la révolution mondiale. Quand on parle de la lutte du 7 février, on pense tout de suite à l'usine Tchang-hsin-tien, notre usine ; c'est un haut lieu du mouvement ouvrier de la Chine du Nord. Voilà 47 ans que cette lutte a été menée ; à l'époque, notre pays était semi-colonial et semi-féodal.


Les impérialistes agressaient la Chine sur les plans politique, militaire, économique et culturel. A l'extérieur, notre pays était attaqué par les impérialistes, à l'intérieur, c'était le chaos de la lutte entre les militaristes et les ouvriers avaient une vie misérable. Nous étions exploités cruellement par les impérialistes les capitalistes compradores et le Kuomintang ; les chefs d'atelier cherchaient à nous escroquer.


LA VISITE DE MAO TSE TOUNG

Le camarade Mao Tsé toung était alors membre du comité du Parti. Il est venu dans notre usine en hiver 1918 et au printemps 1919 ; le président Mao était jeune. Il a organisé de jeunes ouvriers et de jeunes apprentis pour les envoyer en France où ils étudieraient tout en travaillant.


Pourquoi ?


Parce que notre pays était semi-féodal et semi-colonial et que les impérialistes disaient: « Les Chinois ne peuvent pas gouverner leur pays. » Ils voulaient démembrer la Chine, créer des sphères d'influence.


Dans cette période de crise, le président Mao est venu organiser des ouvriers pour les envoyer en Occident s'y instruire dans l'esprit révolutionnaire. Son travail a joué un certain rôle puisqu'on voit maintenant dans le Comité Central des dirigeants qui ont fait leurs études en France.


En outre, le Président Mao a pénétré parmi les masses ouvrières et a enquêté sur leur vie et leurs difficultés. Nous lui avons expliqué que nous n'avions rien à manger, rien à nous mettre sur le dos, que nous étions exploités et opprimés. Le président Mao nous a dit : « Vous pouvez vous organiser, vous unir ; l'union fait la force. Vous pouvez faire face aux gens qui vous humilient.»

C'est là une vérité révolutionnaire. Autrefois, nous avions une vie lamentable et misérable. Nous avions l'esprit obscurci par des superstitions féodales, nous pensions que notre misère était due au destin, au mauvais choix des tombes des ancêtres ou à notre laideur...


Nous ne savions pas que c'est le système social qui est la cause de tous ces fléaux. Nous nous sommes organisés pour renverser ces fléaux. Nous avons créé une école élémentaire du soir pour former des cadres ; on y propageait la vérité révolutionnaire. Il n'y avait alors que deux écoles de ce genre, ici à Tchang-hsin-tien et une autre à Hsiao-fa-tsou, près de Shanghai.

L'école ne se développait pas sans difficultés à cause du Bureau du Chemin de Fer qui sabotait et essayait de nous disloquer. Des ouvriers étaient influencés par eux. Le bureau avait lui aussi créé une école du soir soutenue avec de l'argent et mieux équipée. Cette école avait toutes les facilités et ouvrait ses portes aux employés et aux ouvriers. Elle s'appelait « Ecole du soir pour fonctionnaires et ouvriers » ; la nôtre s'appelait « Ecole du soir d'études élémentaires pour travailleurs ».

Face à ce sabotage, nous avons envoyé nos camarades étudier dans leur école. Ils y ont fait du travail auprès des autres et les ont convaincus de changer d'école. Leur école s'est effondrée.


LE ROLE DU PARTI ET DES OUVRIERS

Le Parti Communiste Chinois a été fondé le 1er juillet 1921. Depuis, le mouvement ouvrier, placé sous sa direction, s'est rapidement développé. Pour faire la révolution, il faut qu'il y ait un parti révolutionnaire.


Sans un parti révolutionnaire, sans un parti fondé sur la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste et le style révolutionnaire marxiste-léniniste, il est impossible de conduire la classe ouvrière et les grandes masses populaires à la victoire dans leur lutte contre l'impérialisme et ses valets.

Après sa fondation, le Parti a admis des ouvriers ; il y en avait peu, mais ils sont devenus des cadres très précieux pour le mouvement ouvrier chinois.


Par exemple Si Wen-ping est devenu président du syndicat de notre usine et est devenu vice-président du syndicat des cheminots de la ligne Pékin-Han-Kecu. Il a dirigé la grève d'août 1922 et du 7 février 1923. Il a été élu membre suppléant du Comité Central au 6e Congrès, en 1928 à Moscou.


Cela montre qu'il y avait des ouvriers au Comité Central et que les ouvriers de notre usine ont pris la tête. Un autre camarade, Wang Tchen a participé à la grève du mois d'août 1922. Le Parti l'a envoyé comme délégué à une réunion internationale rouge des travailleurs, à Moscou.


Il a eu la chance d'y rencontrer le camarade Lénine et a fait un rapport sur le mouvement des ouvriers chinois. Les ouvriers de notre usine ont aussi pris la tête dans les activités internationales, cela démontre que les ouvriers, bien que peu nombreux, étaient des éléments d'ossature.

LE CLUB DES CHEMINOTS

Notre école du soir a changé de nom et est devenue le « Club des cheminots ».


Le club était une organisation de syndicat. Des camarades étaient élus membres de comité, chefs de section, d'équipe, etc. Ils organisaient des réunions, des conférences, etc. Le club organisait des équipes de garde ouvrières pour lutter contre les chefs d'ateliers. En cas de mauvais traitement, la garde ouvrière intervenait. Des équipes étaient chargées de la propagande auprès des grévistes et aussi auprès des policiers réactionnaires et les passagers des trains.


Le club s'est consolidé sur le plan orga-nisationnel mais il n'y avait que quelques centaines d'éléments actifs sur 4.000 ouvriers. C'était insuffisant. Des ouvriers se tenaient à l'écart, observaient et ne voyaient quel profit ils pou-vnient tirer du club.


Ils avaient encore des idées conservatrices. Mais ils se sont engagés après dans la lutte et c'est au cours de b lutte qu'ils ont pris leur conscience politique. Nous menions la lutte contre les fonctionnaires et les chefs d'ateliers car ils exerçaient une oppression directe sur nous.


Je me rappelle la première lutte. Un camarade de service est venu nous dire : « J'ai été frappé par M. Kao » (M. Kao était un employé). Nous avons alors mis une raclée à M. Kao. Personne n'a osé intervenir. Les ouvriers ont vu que le club les protégeait et leur donnait de la force. Ainsi notre club a grandi.


Plus il y avait de camarades dans le club, plus nous pouvions faire face aux malfaiteurs. En été 1922, dans un atelier de moulage de métaux, le chef d'atelier était Tchen Chan-toung. Ce salaud a dit du mal de nous auprès de Normand, le patron français de l'usine. Nous lui avons mis une raclée. Après cet événement, des milliers d'ouvriers de l'usine et des environs sont entrés dans notre club. Les humiliations ont été plus rares.

LA GREVE D'AOUT 1922

Nous ne gagnions que 7 à 8 yuans par mois. Ce salaire ne pouvait nourrir qu'une ou deux personnes par mois. Nous nous sommes mis en grève.


La première grève a éclaté le 28 août 1922. Non seulement les ouvriers d'ici mais aussi les cheminots de la ligne Pékin-Tchengtcheou ont pris part, à la grève. Pendant la grève, le.s ouvriers ont quitté l'usine pour intercepter les trains. Ils se sont massés sur le quai. Ils ont décroché la locomotive, vidé l'eau e: retiré le charbon.


C'était facile d'intercepter les trains de marchandises mais les trains de voyageurs étaient gardés par l'infanterie. Les soldats disaient : « Faites la grève mais ne coupez pas la ligne qui est l'artère de l'économie. » Les ouvriers ont quand même bloqué le train, lis ont ouvert leur chemise et ont dit : « Vous pouvez tirer sur nous ». Les soldats n'ont pas osé tirer. Nous avons encore intercepté des trains de munitions.


Nous étions très nombreux mais l'équipe ouvrière de garde a maintenu l'ordre. Elle aidait les voyageurs à quitter l'arrêt et leur faisait de la propagande. Nous nous excusions de les arrêter et demandions leur soutien. Nous leur avons expliqué que nous faisions grève pour manger à notre faim et avoir des salaires plus élevés.


Le bureau du chemin de fer ne savait comment faire. Il finit par téléphoner à Pékin et y envoya deux délégués ouvriers. Le bureau c-u chemin de fer dut reconnaître la justesse de nos revendications. Nos huit conditions furent acceptées : augmentation, amélioration des conditions de travail, possibilité d'envoyer nos en-iants à l'école, etc.


Cette grève a été couronnée de succès. Nous avons remporté la victoire ; nous rappelons la victoire du mois (l'août. Grâce à cette grève, les syndicats se sont organisés à l'échelle nationale. A cette époque, presque tous les cheminots et mineurs s'organisèrent en syndicats.


Dans chaque unité, une ou deux grèves furent couronnées de succès. La révolution déferlait à travers tout le pays.


A travers ces grèves, nous avons compris cet enseignement du Président Mao : « Les peuples et nations opprimés ne doivent absolument pas s'en remettre, pour leur émancipation, à la sagesse de l'impérialisme et de ses laquais.


C'estseulement en renforçant leur unité et en persévérant dans la lutte qu'ils triompheront. »


Nous avons obtenu la victoire mais nous avons aussi vu des choses qui n'allaient pas. Au cours des pourparlers, un des ouvriers a été acheté et a trahi. Nous avons fait une enquête et avons réussi à savoir que ce délégué, Hsié Tche-tsing, avait trahi. Nous avons alors écrit un avis proclamant l'ex-

clusion de ce traître des rangs ouvriers. Cet avis a été collé sur un panneau réservé au chef de l'usine. Ce dernier a déchiré l'avis.


Pour protester, nous sommes restés les bras croisés dans les ateliers. Nous luttions ainsi : lorsque le chef entrait, nous croisions ]es bras. Nous avons envoyé nos délégués au bureau dire que nous ne voulions plus de ce chef. Le bureau a été force de rapatrier ce Français. Nous avions encore gagné ; tous les impérialistes sont des tigres en papier. Devant l'unité des ouvriers, un impérialiste étranger ne sait que faire et nous avons réussi à le chasser. Le Parti décida de créer un syndicat général des cheminots le 1er février 1923 à Tcheng-tcheou. Le jour même, le militariste Wou Pei-fou a dissous le syndicat par la force.

LA GREVE DE FEVRIER 1923

Le 4 février, la grève éclata. Elle dura jusqu'au 7. Le matin du 7 février, les militaristes féodaux excités par les impérialistes étrangers se sont livrés à un massacre de cheminots dans toute la Chine. La répression fut sanglante : 60 cheminots de la ligne Pékin-Hankeou ont été tués, une soixantaine blessés et 200 emprisonnés. 1.000 ouvriers durent s'enfuir. Le mouvement des ouvriers et des paysans entra dans une période de creux. La répression fut sanglante mais la révolution a tiré les leçons de cet échec.


La classe ouvrière ne peut se libérer en s'appuyant sur elle seule. Le nombre des ouvriers n'était pas très important : 2 à 3 millions sur une populaition de 400 à 500 millions. Nous devions résoudre le problème de l'alliance et nous unir avec les paysans et les autres travailleurs. Par ailleurs, la Chine est un pays semi- féodal. Les militaristes féodaux étaient au pouvoir. La lutte pacifique était impensable. « Le pouvoir est au bout du fusil ».

Je pense que nous n'avons pas bien travaillé auprès de la petite bourgeoisie (l'opérateur radio, les employés, etc.) Nous ne les traitions pas comme des nôtres. Nous n'avons pas pu transformer notre grève en grève nationale car nous avons considéré ces gens-là comme hors de nos rangs.


Les leçons de cette grève nous ont permis d'avancer vers la victoire.