Les usines en Chine populaire pendant la révolution culturelle
Les
travailleurs chinois avant la révolution
Avant 1949, date de la
prise du pouvoir par les communistes chinois, la Chine était
extrêmement pauvre ; la production industrielle par habitant
était inférieure à celle de l'Inde.
A la campagne, la
majorité des paysans ne possédaient pas de terre; ils
travaillaient sur celles des propriétaires fonciers, qui les
exploitaient férocement et leur extorquaient chaque année
une grande partie de leur récolte sous forme de fermage. De
plus les famines se succédaient (inondations, sécheresse
etc.)
Pour les ouvriers,
exploités par les capitalistes •— souvent étrangers
(Japonais, Anglais ou Français) — la situation était
aussi misérable. De plus le chômage était très
répandu.
A cette époque, «
3 grandes montagnes » pesaient sur le peuple chinois :
l'impérialisme, le féodalisme et le capitalisme
bureaucratique.
De la « longue
marche » (1934-35) à la guerre civile (1945-49) contre
le Kuomintang de Tchiang Kai Tchek et les couches corrompues de
capitalistes bureaucratiques qu'il représentait, la lutte a
été longue et difficile pour créer la Chine
nouvelle.
Aujourd'hui, on n'oublie
pas le passé : souvent, ceux qui l'ont vécu le
racontent aux enfants, afin qu'ils connaissent, eux aussi, ce
qu'était la vie du peuple chinois il y a une trentaine
d'années, afin qu'ils comprennent ce qu'était
l'exploitation de la classe ouvrière à cette époque.
Voici le récit
qu'à fait, au mois d'août 1971, en présence de
membres de l'Association des Amitiés franco-chinoises, une
ouvrière d'une cinquantaine d'années de l'usine
d'impression sur tissus de Sian. Un groupe d'élèves de
l'école de la cité ouvrière de l'usine
l'écoutait attentivement raconter ce qu'avait été
pour elle 1'"ancienne société"
« Avant la
libération, nous étions 7 personnes dans ma famille :
mes parents avaient 5 enfants. Aujourd'hui, il ne reste plus que moi.
Lorsque j'avais 3 ans,
mon père est mort. Ma mère m'a emmené dans le
Shensi, afin d'y chercher à manger. Nous n'avions ni de quoi
nous nourrir, ni de quoi nous loger. Nous demandions partout. Ma mère
a demandé à quelqu'un de me présenter pour que
j'aille travailler en usine. J'étais encore une enfant.
Pendant l'apprentissage,
je travaillais 12 heures par jour. Lorsque je ne réussissais
pas à filer le coton, j'étais battue par le
contremaître.
Le patron ne prenait pas
soin de la vie des ouvriers. Il ne portait guère d'attention à
la sécurité. L'air était empoisonné, et
souvent, des ouvriers perdaient connaissance à cause de la
chaleur. Moi-même, j'ai eu mal aux pieds à cause de la
chaleur, et j'avais du mal à rester debout.
Malgré cela, le
patron ne me donnait pas de congé pour consulter un médecin.
J'ai alors été obligée de travailler
alternativement debout et à genoux.
J'ai demandé
plusieurs fois un congé : toujours il refusait (elle pleure).
A la fin, il m'a donné
un jour de congé. J'ai pu rentrer à la maison. J'ai dit
à ma mère que je ne pouvais plus supporter, que je
travaillais à genoux et qu'il me frappait quand même ;
ma mère pleurait et m'embrassait.
Le lendemain, je ne
pouvais pas travailler : je suis restée à la maison. Le
3ème jour, on me chassait de l'usine.
J'ai alors été
travailler avec ma mère dans une usine de vestes
— Je cousais les
boutonnières —; comme j'y étais très
exploitée, ma mère m'a fait présenter ailleurs.
Après deux mois de
travail, j'ai eu une grosse fièvre; j'ai perdu la connaissance
et ai fait une chute. Mes collègues m'ont épaulé
pour me demander un congé. Elles m'ont aidé.
Ma mère a vu que
j'avais mauvaise mine. Elle m'a embrassé. je lui ai dit : «
je préfère mourir de faim vers toi que travailler ?
l'usine ». Elle m'a répondu : « si j'avais les
moyens, je ne t'enverrais plus à l'usine où tu dois
supporter des souffrances ».
Comme elle n'avais pas de
quoi payer pour me faire soigner, elle m'a fait des potions d'herbes
arrachées. J'ai fini par guérir.
Ensuite, j'ai travaillé
dans une usine de couvertures.
Plus tard, j'ai travaillé
encore ailleurs.
Vous ne pouvez imaginer
combien de personnes sont mortes de faim, combien d'autres de froid,
combien de travailleurs ont été frappés par le
patron.
Ce que je vous ai raconté
n'est qu'un épisode de mes souffrances d'avant la libération.
— Vous menez une
vie heureuse, inimaginable pour moi
avant la libération.
Aujourd'hui, ma famille
est composée de 7 personnes.
Mon aîné est
diplômé de l'Institut supérieur ; il se rééduque
actuellement à la campagne.
Mon 2ème est
diplômé de l'école secondaire; il est
actuellement dans l'Armée Populaire de Libération.
Mes 3ème, 4ème
et 5ème font leurs études.
Nous avons des montres,
la radio, bicyclette et machine à coudre. C'est grâce au
Parti Communiste et au Président Mao qui ont libéré
la patrie.
En terminant, je souhaite
aux écoliers de bien faire leurs études, de s'assimiler
des connaissances, ainsi que les souffrances du passé et le
bonheur d'aujourd'hui.
Ainsi, vous pourrez
utiliser le pouvoir pour mieux servir le peuple, le socialisme, et
mieux soutenir la révolution mondiale. »
La plupart des vieux
ouvriers chinois pourraient faire des récits semblables à
celui-ci. Car avant 1949, les ouvriers, exploités au maximum
par les capitalistes, vivaient dans des conditions misérables
(salaires très bas, prix sans arrêt en hausse, logement
dans des taudis malsains, etc.) Ils se sont organisés et ont
fait des grèves, aussi bien pour leurs revendications que
contre les impérialistes étrangers qui pillaient la
Chine.
A Changhaï, un
docker nous a raconté dans quelles conditions il travaillait
avant la libération, et comment il a participé à
des grèves.
« Avant la
libération, j'ai travaillé pendant 10 ans. J'étais
docker ambulant : lorsqu'il y avait un cargo, je travaillais ici à
le décharger. Lorsqu'il n'y en avait pas, j'étais au
chômage.
J'ai été
exploité.
Des 4 quais, l'un
appartenait aux anglais, l'un aux américains, l'un aux
japonais et l'autre aux capitalistes chinois compradors (alliés
de l'impérialisme).
Il n'y avait de grue que
pour les marchandises de 2 à 3 tonnes. Ce qui pesait 50 ou 100
kgs était porté sur les épaules.
Nous n'avions pas de quoi
nous nourrir et nous vêtir; le salaire était insuffisant
pour se nourrir soi-même. Notre vie était très
mauvaise; nous mangions moins bien que le porc ou le chien du patron.
Je portais des sandales
de paille de riz de 3 sous qui ne tenaient qu'un jour.
Sur le plan politique,
les dockers chinois étaient frappés et injuriés
sans raison. Ainsi, dans le quai n° 3, qui appartenait aux
japonais, des acolytes des japonais semaient la discorde parmi les
ouvriers.
Au rez-de-chaussée
du bâtiment où nous sommes, il y a un dispensaire.
C'était avant une prison provisoire. Aux arbres proches, on
liait ou suspendait souvent les dockers.
(il parle avec animation)
La bourgeoisie compradore
et l'impérialisme préféraient aux dockers
chinois les coolies misérables.
Les dockers ne se
résignaient pas à l'exploitation. Il y a eu sou-vent
des luttes. Moi-même, j'ai participé à 2 grandes
grèves. Une fois, il y avait un cargo US chargé de
canons, de fusils et de munitions pour le Kuomintang ; ils voulaient
les emmener à Tal-lien, au Nord-est de la Chine. Les dockers
ont fait une grève perlée, et au fur et à
mesure, les américains devenaient plus pressants ('ceci se
passait après la capitulation des japonais, quand Tchiang Kai
Chek luttait contre le Parti Communiste Chinois).
Nous avons fait 16 heures
de grève; les soldats frappaient les dockers pour les faire
charger plus vite. Alors les dockers se sont assis, sur le cjuai et
se sont laissé frapper. A la fin, le KMT a demandé à
négocier. Les dockers ont choisi des délégués,
qui ont fait des demandes d'augmentation de salaires; en réalité,
le but était de faire perdre du temps au Kuomintang.
Finalement, nous avons
obtenu 50 % d'augmentation de salaire.
Une autre fois, les US
demandaient un déchargement en 24 heures. Nous avons refusé
et fait 8 heures de grève. Les réactionnaires ont dû
augmenter les salaires de 30 %.
Nous avons eu une
expérience négative : une fois, nous avons fait 2 jours
de grève, mais nos dirigeants avaient été acheté
pour 3 yuans par le patron. La grève a échoué,
mais quelques temps après, ces jaunes étaient tués
par les réactionnaires eux-mêmes !
J'ai participé à
peu de luttes avant la libération.
Avec les quelques
augmentations des salaiaes, nous n'étions pas tirés
d'affaire, car les prix augmentaient très vite !
C'est seulement en 1949
,lorsque Changhai a été libérée, que nous
avons eu l'affranchissement définitif, grâce au Parti
Communiste Chinois et au Président Mao.
Aujourd'hui nous avons
des souliers de cuir et non de paille de riz; nous avons des habits
et non des sacs de jute; d'ailleurs., le port fournit deux vêtements
de travail par an.
Avant, nous déchargions
sur nos épaules; aujourd'hui, nous avons des moyens modernes —
ou des moyens du bord — pour diminuer la difficulté du
travail ; il y a des grues, et nous n'avons plus i\ monter et
descendre les escaliers avec les sacs sur les épaules.
Aujourd'hui, et depuis la
Grande Révolution Culturelle prolétarienne, je suis
membre permanent du Comité révolutionnaire du port. Ma
nièce est membre du Comité du Parti et déléguée
à l'assembJée nationale. Pourtant, nous sommes d'une
famille ouvrière.
Nous devons ce bonheur au
Parti Communiste Chinois et au Président Mao.
Je ne sais pas bien
parler, mais voilà ce que j'avais à dire. »
Par leurs luttes et leurs
grèves, les ouvriers chinois ont pu obtenir un certain nombre
d'augmentations de salaires ; mais cela n'empêchait pas les
prix de monter. Ils ont pu aussi faire reculer les impérialistes
de nombreuses fois : mais cela n'empêchait pas ceux-ci de
continuer à piller les richesses de la Chine et de faire des
profits sur le travail du peuple chinois.
Pour obtenir une victoire
définitive sur ceux qui les exploitaient, les travailleurs
chinois ont dû s'organiser; car la bourgeoisie, elle aussi,
était organisée, et elle avait une puissante armée,
lis ont dû aussi s'éduquer, savoir faire le bilan de
leurs luttes partielles afin de mieux connaître leur ennemi et
de savoir comment le vaincre.
C'est peur ces raisons
qu'a été créé le Parti Communiste
Chinois.
Dès sa création,
en 1921, il a aidé les ouvriers à s'organiser pour
mener leurs luttes. Il a aussi fait le bilan des luttes menées
afin d'éviter de recommencer deux fois les mêmes erreurs
et afin d'éduquer les ouvriers dans la lutte. Il a aidé
ceux-ci à s'assimiler la théorie révolutionnaire
qui leur a permis de vaincre.
En Août 1970, un
ouvrier retraité de l'usine de locomotives «7 février»,
dans la banlieue de Pékin, nous a raconté comment, peu
de temps après sa fondation, le PCC a aidé les ouvriers
de son usine à s'organiser, puis à mener une grande
grève. Il nous a enfin raconté quelles leçons le
Parti avait tiré de cette lutte.
«J'ai travaillé
dans cette usine durant 50 ans. Je suis un ouvrier ordinaire;
maintenant, je suis en retraite.
J'ai pris part à
la grève du 7 février 1923. Ce fut une lutte menée
par la classe ouvrière pour le droit d'exister, pour une
position dans la société, pour sa libération.
Cette lutte fut menée à la lumière de la
pensée-maotsétoung, sous l'influence de la révolution
russe et sous la direction du Parti Communiste Chinois. Ce fut le
premier essor dans l'histoire du mouvement ouvrier chinois.
Grâce à
cette lutte, les ouvriers se sont débarrassés de
certaines idées fausses; ils sont passés de la lutte
économique à la lutte politique. Cette lutte a connu
des revers et des échecs mais la révolution en a tiré
des leçons et depuis avance victorieusement.
Les ouvriers chinois sont
montés sur la scène de la révolution mondiale et
leur lutte est devenue une composante de la révolution
mondiale. Quand on parle de la lutte du 7 février, on pense
tout de suite à l'usine Tchang-hsin-tien, notre usine ; c'est
un haut lieu du mouvement ouvrier de la Chine du Nord. Voilà
47 ans que cette lutte a été menée ; à
l'époque, notre pays était semi-colonial et
semi-féodal.
Les impérialistes
agressaient la Chine sur les plans politique, militaire, économique
et culturel. A l'extérieur, notre pays était attaqué
par les impérialistes, à l'intérieur, c'était
le chaos de la lutte entre les militaristes et les ouvriers avaient
une vie misérable. Nous étions exploités
cruellement par les impérialistes les capitalistes compradores
et le Kuomintang ; les chefs d'atelier cherchaient à nous
escroquer.
LA
VISITE DE MAO TSE TOUNG
Le camarade Mao Tsé
toung était alors membre du comité du Parti. Il est
venu dans notre usine en hiver 1918 et au printemps 1919 ; le
président Mao était jeune. Il a organisé de
jeunes ouvriers et de jeunes apprentis pour les envoyer en France où
ils étudieraient tout en travaillant.
Pourquoi ?
Parce que notre pays
était semi-féodal et semi-colonial et que les
impérialistes disaient: « Les Chinois ne peuvent pas
gouverner leur pays. » Ils voulaient démembrer la Chine,
créer des sphères d'influence.
Dans cette période
de crise, le président Mao est venu organiser des ouvriers
pour les envoyer en Occident s'y instruire dans l'esprit
révolutionnaire. Son travail a joué un certain rôle
puisqu'on voit maintenant dans le Comité Central des
dirigeants qui ont fait leurs études en France.
En outre, le Président
Mao a pénétré parmi les masses ouvrières
et a enquêté sur leur vie et leurs difficultés.
Nous lui avons expliqué que nous n'avions rien à
manger, rien à nous mettre sur le dos, que nous étions
exploités et opprimés. Le président Mao nous a
dit : « Vous pouvez vous organiser, vous unir ; l'union fait la
force. Vous pouvez faire face aux gens qui vous humilient.»
C'est là une
vérité révolutionnaire. Autrefois, nous avions
une vie lamentable et misérable. Nous avions l'esprit obscurci
par des superstitions féodales, nous pensions que notre misère
était due au destin, au mauvais choix des tombes des ancêtres
ou à notre laideur...
Nous ne savions pas que
c'est le système social qui est la cause de tous ces fléaux.
Nous nous sommes organisés pour renverser ces fléaux.
Nous avons créé une école élémentaire
du soir pour former des cadres ; on y propageait la vérité
révolutionnaire. Il n'y avait alors que deux écoles de
ce genre, ici à Tchang-hsin-tien et une autre à
Hsiao-fa-tsou, près de Shanghai.
L'école ne se
développait pas sans difficultés à cause du
Bureau du Chemin de Fer qui sabotait et essayait de nous disloquer.
Des ouvriers étaient influencés par eux. Le bureau
avait lui aussi créé une école du soir soutenue
avec de l'argent et mieux équipée. Cette école
avait toutes les facilités et ouvrait ses portes aux employés
et aux ouvriers. Elle s'appelait « Ecole du soir pour
fonctionnaires et ouvriers » ; la nôtre s'appelait «
Ecole du soir d'études élémentaires pour
travailleurs ».
Face à ce
sabotage, nous avons envoyé nos camarades étudier dans
leur école. Ils y ont fait du travail auprès des autres
et les ont convaincus de changer d'école. Leur école
s'est effondrée.
LE
ROLE DU PARTI ET DES OUVRIERS
Le Parti Communiste
Chinois a été fondé le 1er juillet 1921. Depuis,
le mouvement ouvrier, placé sous sa direction, s'est
rapidement développé. Pour faire la révolution,
il faut qu'il y ait un parti révolutionnaire.
Sans un parti
révolutionnaire, sans un parti fondé sur la théorie
révolutionnaire marxiste-léniniste et le style
révolutionnaire marxiste-léniniste, il est impossible
de conduire la classe ouvrière et les grandes masses
populaires à la victoire dans leur lutte contre l'impérialisme
et ses valets.
Après sa
fondation, le Parti a admis des ouvriers ; il y en avait peu, mais
ils sont devenus des cadres très précieux pour le
mouvement ouvrier chinois.
Par exemple Si Wen-ping
est devenu président du syndicat de notre usine et est devenu
vice-président du syndicat des cheminots de la ligne
Pékin-Han-Kecu. Il a dirigé la grève d'août
1922 et du 7 février 1923. Il a été élu
membre suppléant du Comité Central au 6e Congrès,
en 1928 à Moscou.
Cela montre qu'il y avait
des ouvriers au Comité Central et que les ouvriers de notre
usine ont pris la tête. Un autre camarade, Wang Tchen a
participé à la grève du mois d'août 1922.
Le Parti l'a envoyé comme délégué à
une réunion internationale rouge des travailleurs, à
Moscou.
Il a eu la chance d'y
rencontrer le camarade Lénine et a fait un rapport sur le
mouvement des ouvriers chinois. Les ouvriers de notre usine ont aussi
pris la tête dans les activités internationales, cela
démontre que les ouvriers, bien que peu nombreux, étaient
des éléments d'ossature.
LE
CLUB DES CHEMINOTS
Notre école du
soir a changé de nom et est devenue le « Club des
cheminots ».
Le club était une
organisation de syndicat. Des camarades étaient élus
membres de comité, chefs de section, d'équipe, etc. Ils
organisaient des réunions, des conférences, etc. Le
club organisait des équipes de garde ouvrières pour
lutter contre les chefs d'ateliers. En cas de mauvais traitement, la
garde ouvrière intervenait. Des équipes étaient
chargées de la propagande auprès des grévistes
et aussi auprès des policiers réactionnaires et les
passagers des trains.
Le club s'est consolidé
sur le plan orga-nisationnel mais il n'y avait que quelques centaines
d'éléments actifs sur 4.000 ouvriers. C'était
insuffisant. Des ouvriers se tenaient à l'écart,
observaient et ne voyaient quel profit ils pou-vnient tirer du club.
Ils avaient encore des
idées conservatrices. Mais ils se sont engagés après
dans la lutte et c'est au cours de b lutte qu'ils ont pris leur
conscience politique. Nous menions la lutte contre les fonctionnaires
et les chefs d'ateliers car ils exerçaient une oppression
directe sur nous.
Je me rappelle la
première lutte. Un camarade de service est venu nous dire : «
J'ai été frappé par M. Kao » (M. Kao était
un employé). Nous avons alors mis une raclée à
M. Kao. Personne n'a osé intervenir. Les ouvriers ont vu que
le club les protégeait et leur donnait de la force. Ainsi
notre club a grandi.
Plus il y avait de
camarades dans le club, plus nous pouvions faire face aux
malfaiteurs. En été 1922, dans un atelier de moulage de
métaux, le chef d'atelier était Tchen Chan-toung. Ce
salaud a dit du mal de nous auprès de Normand, le patron
français de l'usine. Nous lui avons mis une raclée.
Après cet événement, des milliers d'ouvriers de
l'usine et des environs sont entrés dans notre club. Les
humiliations ont été plus rares.
LA
GREVE D'AOUT 1922
Nous ne gagnions que 7 à
8 yuans par mois. Ce salaire ne pouvait nourrir qu'une ou deux
personnes par mois. Nous nous sommes mis en grève.
La première grève
a éclaté le 28 août 1922. Non seulement les
ouvriers d'ici mais aussi les cheminots de la ligne
Pékin-Tchengtcheou ont pris part, à la grève.
Pendant la grève, le.s ouvriers ont quitté l'usine pour
intercepter les trains. Ils se sont massés sur le quai. Ils
ont décroché la locomotive, vidé l'eau e: retiré
le charbon.
C'était facile
d'intercepter les trains de marchandises mais les trains de voyageurs
étaient gardés par l'infanterie. Les soldats disaient :
« Faites la grève mais ne coupez pas la ligne qui est
l'artère de l'économie. » Les ouvriers ont quand
même bloqué le train, lis ont ouvert leur chemise et ont
dit : « Vous pouvez tirer sur nous ». Les soldats n'ont
pas osé tirer. Nous avons encore intercepté des trains
de munitions.
Nous étions très
nombreux mais l'équipe ouvrière de garde a maintenu
l'ordre. Elle aidait les voyageurs à quitter l'arrêt et
leur faisait de la propagande. Nous nous excusions de les arrêter
et demandions leur soutien. Nous leur avons expliqué que nous
faisions grève pour manger à notre faim et avoir des
salaires plus élevés.
Le bureau du chemin de
fer ne savait comment faire. Il finit par téléphoner à
Pékin et y envoya deux délégués ouvriers.
Le bureau c-u chemin de fer dut reconnaître la justesse de nos
revendications. Nos huit conditions furent acceptées :
augmentation, amélioration des conditions de travail,
possibilité d'envoyer nos en-iants à l'école,
etc.
Cette grève a été
couronnée de succès. Nous avons remporté la
victoire ; nous rappelons la victoire du mois (l'août. Grâce
à cette grève, les syndicats se sont organisés à
l'échelle nationale. A cette époque, presque tous les
cheminots et mineurs s'organisèrent en syndicats.
Dans chaque unité,
une ou deux grèves furent couronnées de succès.
La révolution déferlait à travers tout le pays.
A travers ces grèves,
nous avons compris cet enseignement du Président Mao : «
Les peuples et nations opprimés ne doivent absolument pas s'en
remettre, pour leur émancipation, à la sagesse de
l'impérialisme et de ses laquais.
C'estseulement en
renforçant leur unité et en persévérant
dans la lutte qu'ils triompheront. »
Nous avons obtenu la
victoire mais nous avons aussi vu des choses qui n'allaient pas. Au
cours des pourparlers, un des ouvriers a été acheté
et a trahi. Nous avons fait une enquête et avons réussi
à savoir que ce délégué, Hsié
Tche-tsing, avait trahi. Nous avons alors écrit un avis
proclamant l'ex-
clusion de ce traître
des rangs ouvriers. Cet avis a été collé sur un
panneau réservé au chef de l'usine. Ce dernier a
déchiré l'avis.
Pour protester, nous
sommes restés les bras croisés dans les ateliers. Nous
luttions ainsi : lorsque le chef entrait, nous croisions ]es bras.
Nous avons envoyé nos délégués au bureau
dire que nous ne voulions plus de ce chef. Le bureau a été
force de rapatrier ce Français. Nous avions encore gagné
; tous les impérialistes sont des tigres en papier. Devant
l'unité des ouvriers, un impérialiste étranger
ne sait que faire et nous avons réussi à le chasser. Le
Parti décida de créer un syndicat général
des cheminots le 1er février 1923 à Tcheng-tcheou. Le
jour même, le militariste Wou Pei-fou a dissous le syndicat par
la force.
LA
GREVE DE FEVRIER 1923
Le 4 février, la
grève éclata. Elle dura jusqu'au 7. Le matin du 7
février, les militaristes féodaux excités par
les impérialistes étrangers se sont livrés à
un massacre de cheminots dans toute la Chine. La répression
fut sanglante : 60 cheminots de la ligne Pékin-Hankeou ont été
tués, une soixantaine blessés et 200 emprisonnés.
1.000 ouvriers durent s'enfuir. Le mouvement des ouvriers et des
paysans entra dans une période de creux. La répression
fut sanglante mais la révolution a tiré les leçons
de cet échec.
La classe ouvrière
ne peut se libérer en s'appuyant sur elle seule. Le nombre des
ouvriers n'était pas très important : 2 à 3
millions sur une populaition de 400 à 500 millions. Nous
devions résoudre le problème de l'alliance et nous unir
avec les paysans et les autres travailleurs. Par ailleurs, la Chine
est un pays semi- féodal. Les militaristes féodaux
étaient au pouvoir. La lutte pacifique était
impensable. « Le pouvoir est au bout du fusil ».
Je pense que nous n'avons
pas bien travaillé auprès de la petite bourgeoisie
(l'opérateur radio, les employés, etc.) Nous ne les
traitions pas comme des nôtres. Nous n'avons pas pu transformer
notre grève en grève nationale car nous avons considéré
ces gens-là comme hors de nos rangs.
Les leçons de
cette grève nous ont permis d'avancer vers la victoire.
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