Les usines en Chine populaire pendant la révolution culturelle

De 1949 à la révolution culturelle

 

La remise en marche de la production, puis son accroissement.

La construction de la société socialiste débute.

Le 1er octobre 1949, après la victoire de la lutte armée contre les Japonais puis contre Tchiang-Kai-Tchek et la bourgeoisie réactionnaire pro-impérialiste, la République Populaire de Chine est créée : sa proclamation a lieu à Pékin, sur la place Tien An Men.

Parmi d'autres mesures, deux sont très importantes :

- La réforme agraire.

Les terres sont confisquées aux gros propriétaires fonciers et distribuée aux paysans. Très vite, ces derniers se groupent pour améliorer la production et résister ensemble aux paysans les plus riches qui cherchent à racheter les terres.


C'est ainsi que, sous la direction du Parti, se créent des équipes d'entraide, puis des coopératives et enfin, à partir de 1958, des communes populaires. Celles-ci peuvent effectuer de grands travaux (par ex. la construction du canal Drapeau Rouge est expliquée dans un film que l'on peut voir en France.)


La réorganisation de l'industrie.

Il s'agit de faire redémarrer la production industrielle, aussi bien pour parer aux besoins les plus pressés de la population, que pour jeter les bases d'une industrie moderne, au service du peuple et non des capitalistes et des impérialistes étrangers.

La première étape, dans une Chine où l'Etat est maintenant dirigé par le Parti de la classe ouvrière, est la nationalisation. Les grosses entreprises sont rapidement nationalisées (en 1950, le secteur d'Etat a produit 70 % de l'électricité, 90 % de l'acier et 78 % des machines).



Le secteur privé subsiste jusqu'en 1955-56, surtout pour les petites entreprises. Mais l'Etat en contrôle la production et les diverses lois sociales y sont appliquées. Le Syndicat, le Parti et l'Union des Jeunesses Communistes participent au comité mixte avec le patron : la classe ouvrière a donc un pouvoir de contrôle sur ces entreprises.

Le premier plan quinquennal (1953-1957) est réalisé et même dépassé. Au cours de ces cinq années, la production industrielle augmente de 14l %. Cette victoire permet le « grand bond en avant » de 1958. L'économie chinoise se développe alors à un rythme jamais atteint en système capitaliste. La production des biens de consommation augmente de 34 % en un an.

Mais dès le début, la construction du socialisme et la révolution socialiste se font avancer mutuellement. C'est-à-dire que le développement de l'économie chinoise est lié à la victoire de la ligne socialiste sur la ligne capitaliste.

C'est ce qu'expliqué Chou En Lai, premier ministre, dans son rapport à L'Assemblée Populaire Nationale, le 18 avril 1959 : « Le fait que les mesures pour accroître la production industrielle et agricole ont pu être polarisées et se sont révélées efficaces est inséparable de l'existence de liens étroits entre le Parti communiste et les masses et de l'élévation de la conscience politique des masses résultant du mouvement de rectification.


Le principe de « mettre les comités du Parti à la direction et de placer la politique au poste de commandement » a été accepté par les larges masses du peuple. Les mesures relatives aux cadres, visant à ce qu'ils participent au travail manuel et cultivent des parcelles expérimentales, qu'ils soient envoyés aux postes des échelons de base, qu'ils mangent, vivent et travaillent avec les masses, ont été mises en pratique dans tout le pays.


Ces mesures ont grandement contribué à exalter l'ardeur au travail des ouvriers et des paysans.


Dans chaque sphère de lutte, des mesures ont été prises pour combattre le conservatisme, pour abattre les superstitions et les vieux préjugés, pour promouvoir un style de travail communiste et la hardiesse dans la pensée, la parole, l'action, l'invention et la création ; pour organiser des visites d'études et procéder à des comparaisons publiques du travail accompli ; pour développer l'émulation socialiste et la coordination.


Tout ceci a eu comme résultat de donner une grande impulsion à la production et à la construction et d'assurer la réalisation du grand bond dans tous les domaines de l'économie nationale. »

Ce n'est donc pas en augmentant les cadences et la surveillance sur les ouvriers, comme le font les capitalistes, que la production chinoise a augmenté. C'est au contraire en encourageant les ouvriers à développer leur initiative, à prendre la parole et la direction.



En Août 1971, nous avons visité une usine de camions à Chan-ghai. Les ateliers sont pour la plupart anciens. Dès la visite, nous voyons comment les ouvriers ont utilisé et transformé leur vieux matériel : de nombreuses machines-outils (fraiseuses, aléseuses ou rectifieuses) sont couplées pour travailler ensemble sur une même pièce (bloc-moteur en général). Un système d'aération fait à partir de tuyaux de poêle est suspendu au plafond des ateliers : ce sont les résultats d'innovations faites par les ouvriers.

Voici l'histoire de cette usine jusqu'à la révolution culturelle, telle qu'on nous l'a racontée dans la salle de réunions de l'usine, décorée de portraits de Marx, Engels, Lénine et Staline, d'un buste de Mao Tsétoung, ainsi que de photos prises à différents moments de l'histoire de l'usine.

« Notre usine compte 1.400 ouvriers ; nous produisons des camions de 4 tonnes, ainsi que des camions de 16 et 32 tonnes en production expérimentale. La production de 32 tonnes date du début de cette année.

Au début, nous faisions seulement de la réparation de camions et de voitures. L'usine est en fait un ancien dépôt du Kuomintang, qui a été transformé en usine de réparations de camions avec une quinzaine de vieilles machines et des outils.


Comme les camions que nous réparions à cette époque venaient de différentes usines étrangères, il fallait souvent plus d'un mois pour réparer un seul camion. En 1958, le président Mao a lancé l'appel : « édifier le socialisme en déployant tous nos efforts, et en allant toujours de l'avant suivant le principe de quantité, rapidité, qualité et économie. »



II était nécessaire de produire des camions pour développer les transports et les grands travaux ; nous avons fait une analyse des conditions favorables dans notre usine (riche expérience de nombreuses années de réparation des camions, esprit d'«oser lutter») et des conditions défavorables, des difficultés que nous allions rencontrer (manque d'équipements et de techniciens spécialistes.)

Pour les problèmes techniques, nous avons uni les forces des ouvriers chevronnés, des techniciens et des cadres ; ils ont créé ensemble des groupes d'étude.

Les ouvriers se sont mobilisés pour déclencher un mouvement d'innovations.

Nous avons ainsi réussi à réaliser ici 40 % des équipements.

Un ouvrier a proposé plus de 155 suggestions (c'est un ouvrier aux « 5 mérites »). Il est d'ailleurs ici. (Il nous le présente).

Il est devenu l'un des six ingénieurs d'origine ouvrière de notre usine.

En 1958, au bout de 54 jours de travail, nous avons fait un premier prototype de camion, du modèle «communications». Les ouvriers de l'usine l'ont conduit dans l'allégresse au Comité du Parti municipal pour le montrer. (Il nous montre la photo sur le mur : la benne du nouveau camion est pleine d'ouvriers qui tiennent une grande banderole sur laquelle sont inscrits les caractères : «bonne nouvelle». La photo donne une impression d'enthousiasme.)



(Après la réussite de la construction de ce premier camion) nous avons ensuite commencé la production en petit nombre puis en série, ceci tout en accroissant la qualité ; ainsi, les moteurs, qui étaient à l'origine de 57 cv sont aujourd'hui de 90 cv pour .ce camion 4 t.


Mais il y a encore des insuffisances ; le camion monte les pentes plus difficilement que les camions produits dans d'autres usines. La cabine n'a que deux places, ce qui est insuffisant. (En effet, un autre camion produit ici a des cabines à 6 places, ce qui permet aux ouvriers des chantiers de faire les trajets à l'abri dans la cabine, et non dans la benne, comme avant).

Cette usine a progressé ensuite sur la voie de la construction de ce premier camion : en 1969, elle a construit un camion de 15 t avec d'autres usines de Changhai. En 1971, ce fut un camion de 30 t. »

Partir de ce qu'on a en développant l'initiative des masses : ceci a été le premier moyen de développer la production. Mais de grandes usines modernes ont aussi été créées. A ce moment-là, l'URSS a apporté une aide précieuse : au cours du premier plan quinquennal (1953-57) 166 entreprises importantes ont été construites avec l'aide soviétique.


Plusieurs milliers de techniciens soviétiques sont venus travailler en Chine pendant que les étudiants et des techniciens chinois allaient faire des stages en URSS. De plus, l'URSS a accordé à la Chine une aide financière sous forme de crédits à long terme.

Cependant, à partir de 1958, comme l'URSS s'engageait sur la voie du révisionnisme de Krouchtchev — la rencontre Krouchtchev. Eisenhower date de 1959—, des divergences politiques apparaissent entre l'URSS et la Chine. Dans le domaine économique, la Chine refuse de devenir un vassal de l'URSS. (Au sujet de l'aide économique, le Président Mao écrivait dès 1945 : «Nous soutenons qu'il faut compter sur nos propres forces.


Nous espérons recevoir une aide extérieure, mais nous ne devons pas en dépendre ; nous comptons sur nos propres forces, sur la force créatrice de toute notre armée, de tout notre peuple.» —Mao Tsé Toung, «apprendre le travail économique», 10 janvier 1945—)



Le révisionniste Krouchtchev espère alors profiter des difficultés économiques de la Chine (conditions climatiques catastrophiques en I960: sécheresse, typhons, insectes) pour briser la résistance des dirigeants chinois.

En Juillet I960, Krouchtchev rompt unilatéralement les accords sino-soviétiques en rappelant immédiatement tous les techniciens soviétiques. Les 13.000 techniciens soviétiques repartent, emportant avec eux les plans des machines en construction. Les équipements industriels envoyés à la Chine sont bloqués en Sibérie.

Ce départ, ajouté aux calamités naturelles, porte un grand coup à l'économie chinoise. Mais le peuple chinois a assumé résolument la tâche de construire seul son économie, comme le prouvent les résultats remarquables remportés dès les années 60 (par exemple, en 1964 a été achevée une bombe à l'uranium enrichi dont la fabrication est particulièrement difficile). D


'ailleurs, en 62-63, l'URSS qui, faisant machine arrière, proposait à la Chine une reprise de l'aide dans l'industrie minière et pétrolière, s'est vue opposer un non catégorique : « franchement, le peuple chinois n'a plus confiance en vous, il ne tient pas à se laisser berner. »


Le combinat sidérurgique de Wouhan fait partie des entreprises construites avec une aide de l'URSS.

C'est un ensemble de grande taille: 5 km2, 60.000 ouvriers et employés.

En Août 1971, des travailleurs du combinat nous ont raconté la construction :

« Les difficultés n'ont pas manqué. Au début, nous avons reçu l'aide de l'URSS, à l'époque du camarade Staline. Nous avons reçu des plans pour le combinat et des spécialistes ont été envoyés ; les ouvriers ont toujours à l'esprit cette aide. A partir de I960, sous l'influence de Krouchtchev, une ligne révisionniste a été appliquée.


Krouchtchev a déchiré de nombreux contrats et a fait stopper la livraison des équipements. Les techniciens ont été rappelés. Il voulait que le peuple chinois se mette à genoux devant lui ; mais le peuple chinois a du caractère.

En comptant sur nos propres forces, nous avons continué la construction et actuellement le combinat marche très bien. »

Lors de la visite, nous avons d'ailleurs pu vérifier que de grands succès ont été obtenus grâce à l'initiative des travailleurs chinois. Ainsi le haut fourneau n°4, que nous avons visité, a été construit en 4 mois et demi durant la fin de l'année 1970. C'est un des plus grands du combinat et dès 1970, la production augmentait de 21 % par rapport à 1969.

L'expérience du retrait de l'aide soviétique a montré aux travailleurs chinois que la construction du socialisme ne se faisait pas sans difficultés. De fait, même quand la classe ouvrière est au pouvoir, il faut qu'elle continue de lutter.

Faut-il avoir une confiance illimitée dans ce qui est étranger, faut-il chercher à l'imiter ? Ou bien faut-il avoir un type de développement qui nous soit propre ?

Faut-il pour la technique s'en remettre uniquement aux experts, dont Je rôle serait de «penser» alors que celui des ouvriers serait «d'exécuter» ? Ou bien faut-il mobiliser résolument les masses ?

En fait, de plus en plus, deux conceptions opposées se faisaient jour : ces conceptions ne portaient pas seulement sur quelques points, mais sur toute la conception de ce qu'est le socialisme. C'était réellement deux lignes politiques opposées qui s'affrontaient, deux voies différentes possibles pour l'avenir des travailleurs chinois.