CHINE : A LA TETE DES USINES LES OUVRIERS LES PLUS LIBRES DU MONDE
Sur la base de discussions avec des militants revenus de Chine
(supplément à la Cause du Peuple
J'accuse n°23, 1972)
Quand on arrive, à quoi ça ressemble une usine en Chine ?
Les usines en Chine, c'est quelque chose de vivant. Je n'en ai
jamais vu comme en Chine. Il y a plein d'affiches murales de toutes
les couleurs avec tous les problèmes qui se posent exposés
publiquement. Les ouvriers font de grandes affiches, ou de grands
dessins, c'est extrêmement coloré.
Les machines sont espacées les
unes des autres, devant telle machine, un ouvrier qui se pose un
problème le placarde sur la machine, et tout le monde en discute.
Le sentiment qu'on a en entrant dans une usine en Chine, c'est le
contraire des cadences, de la productivité.
C'est d'ailleurs ce que
disent les ouvriers chinois : aujourd'hui on ne produit pas pour de
l'argent, nous avons le pouvoir, et nous produisons pour édifier le
socialisme, pour aider les autres peuples en lutte.
Comment sont dirigées les usines ?
Depuis la Révolution Culturelle, il n'y a plus de directeur
d'usine, c'est-à-dire un homme qui monopolise le pouvoir et qui
décide avec les ingénieurs de la production de l'usine. Maintenant,
c'est le Comité Révolutionnaire qui dirige l'usine. Il est composé
d'ouvriers, de cadres et de techniciens.
Il est élu par les
ouvriers, les employés, les cadres, les techniciens, pour un temps
donné, une année par exemple, et il est renouvelable.
Parfois, se
trouve aussi dans le Comité Révolutionnaire un représentant de
l'Armée Populaire de Libération, parce qu'il y a des soldats qui
travaillent dans l'usine, surtout depuis la Révolution Culturelle.
Par exemple, dans une mine de charbon, le Comité Révolutionnaire
est composé ainsi : 48% de représentants des ouvriers
révolutionnaires, 46% de représentants des cadres, et 6% de l'Armée
Populaire de Libération.
Sur quelle base ils sont élus ?
Ils sont élus principalement sur des critères politiques, surtout
après le grand bouleversement de la Révolution Culturelle. Il y a
les représentants des ouvriers qui ont toute leur confiance et qui
étaient à la pointe de la révolte pendant la Révolution Culturelle,
et aussi d'anciens cadres et ingénieurs qui ont compris leurs
erreurs et qui ont aujourd'hui la confiance des ouvriers.
En plus,
l'expérience de la production joue aussi. Les ouvriers vétérans
jouent un grand rôle, puisqu'ils ont une grande expérience
pratique. Leurs idées sont plus précieuses que celles des
ingénieurs.
D'autre part, s'il y a un Comité Révolutionnaire à l'échelle de
l'usine, il peut en exister aussi à l'échelle de l'atelier, à moins
qu'il n'y ait seulement ce qu'ils appellent un « responsable de
compagnie ». Et en-dessous de l'atelier, il existe des « sections »
et en-dessous encore c'est l'unité de base d'un groupe d'ouvriers.
Cette unité de base regroupe dix-vingt ouvriers. A chaque niveau
les représentants sont élus par les ouvriers, les cadres, les
techniciens...
 Discussion collective entre ouvriers, cadres
et techniciens
Il n'y a pas de chefs alors ?
Il y a des responsables, mais pas des chefs dans le sens où on
connaît des chefs qui ont tout pouvoir. Les ouvriers ne sont pas
des « objets d'administration » avec un chef pour dire : vous êtes
sous ma direction, vous devez obéir.
Vous avez parlé d'ouvriers, et aussi d'employés ?
Oui, il peut y avoir des bureaux, secrétariats...
Avec la Révolution Culturelle, le nombre des bureaucrates est tombé
souvent de 80%. Le personnel pléthorique parmi les employés, les
bureaucrates (avant la Révolution Culturelle, il fallait souvent
des dizaines de coups de tampons, de papiers pour la moindre des
choses) tout cela a été supprimé.
Les ouvriers avaient de nombreux griefs contre les employés.
Pendant la Révolution Culturelle, ils ont lancé un appel radical :
« descendez vos escaliers ».
Des ouvriers chinois m'ont dit là-dessus que « la fureur des masses
est tout à fait compréhensible ». Dans une usine où je suis allé,
il y avait un millier de personnes qui occupaient des fonctions
bureaucratiques, il en reste aujourd'hui 273.
Dans une autre usine,
sur 300 personnes, employés, dessinateurs... il en reste 70.
Pour l'instant, les Chinois en sont au stade expérimental, c'est-à-
dire qu'un certain nombre d'employés retourne à la production et
puis on regarde si ça marche bien.
On vérifie si les chiffres
décidés par les ouvriers et les employés - pas seulement les
ouvriers - sont suffisants. S'il y a encore trop d'employés, ils
vont à la production, s'il n'y en a plus assez, on les fait
revenir.
Ce n'est pas parce qu'on supprime des postes qu'on
supprime le chômage, au contraire. D'autre part, tous les cadres,
les ingénieurs, tous les techniciens sont tenus de participer à la
production. Tout le monde travaille aux machines.
Et les employés ?
Eux aussi.
Les cadres travaillent quand même pendant un temps limité, vu
qu'ils doivent s'occuper aussi des problèmes de gestion,
d'organisation du travail.
Alors, cela dépend des usines, les
cadres peuvent travailler à la production deux jours par semaine,
ou quatre après-midi par semaine ou trois mois d'affilée - quand
ils reviennent par exemple d'une mission de travail, de réunions,
ou d'études...
C'est-à-dire que tout le monde, absolument tout le monde, travaille
à la production, personne n'y échappe, et en plus, comme les
lycéens et les écoliers, les ouvriers vont aussi à la campagne.
C'est un des aspects pour réduire la contradiction entre les villes
et la campagne. Tout le monde connaît la production agricole
puisqu'à tour de rôle les ouvriers vont à la campagne.
Ça ne pose pas de problèmes d'envoyer à tour de rôle les ouvriers à
la campagne ?
Pour remplacer les ouvriers partis, d'autres viennent, ou bien des
cadres ou des employés viennent faire leur travail de production.
Cela peut s'organiser facilement.
 Dans une usine de textile à Nanning,
réunion d'atelier pour préparer le plan de production de l'année qui vient
Au niveau de la production, il n'y a pas de contre-coups à changer
comme ça ?
Non, cela se fait quand même par roulements. Les ouvriers ne
partent pas six mois à la campagne. Il partent par groupes, pour
trois semaines, un mois.
Toute l'usine ne part pas à la campagne puisqu'il faut assurer les
tâches de production.
Est-ce que l'inverse se fait pour les paysans ?
Non, les paysans développent leurs propres usines, c'est différent.
C'est-à-dire qu'ils viennent parfois dans les usines en stage ?
Oui. Par exemple telle commune populaire a besoin d'édifier une
usine de réparation de tracteurs. Alors un groupe de paysans va
dans une usine de tracteurs pour apprendre à les réparer.
Et peut-
être que la commune populaire développera elle-même sa propre
petite usine de fabrication de tracteurs correspondant à ses
besoins. Ce n'est pas une ballade pour aller d'un endroit à un
autre.
Ça correspond à quelque chose.
Oui.
Est-ce que l'ouvrier reste attaché à la même machine ?
Non. L'ouvrier n'est pas attaché à vie à une machine, il ne va pas
serrer la même vis à longueur de journée. Il change de machine,
pour élargir son point de vue sur l'organisation du travail dans
toute l'usine. Il n'y a pas d'émiettement comme ici.
Les ouvriers d'une usine de teinture m'ont expliqué qu'il y a
coopération entre les différents postes de travail, alors qu'avant
des mauvais chefs préconisaient la responsabilité à chaque poste de
travail, c'est-à-dire : vous êtes fixés à une machine, vous ne
devez pas en bouger.
A l'heure actuelle, c'est différent. Ces ouvriers m'ont dit : «
l'ouvrier n'est pas un outil vivant attaché à la machine. »
Est ce qu'il change selon son désir ?
Ce n'est pas si simple, parce que le travail est collectif. Les
ouvriers décident entre eux et les cadres, en fonction des besoins
d'ensemble.
D'autre part, quand un cadre de l'usine vient travailler à la
production, à ce moment-là ça peut être un ouvrier qui va prendre
sa place et qui va apprendre à gérer l'usine. Ainsi peu à peu, en
échangeant les rôles, se forment un grand nombre de gens capables
de prendre en mains, de maîtriser les problèmes qui se posent au
niveau de toute l'usine.
Et les ouvriers qui sont manoeuvres, comment ça se passe ?
Il n'y a pas de manoeuvres. Pas de balayeurs à vie comme ici. Ce
sont les ouvriers eux-mêmes qui balaient, à tour de rôle.
Est ce qu'il y a une différence de salaire entre un ingénieur et un
ouvrier ?
Je me rappelle avoir visité une usine construite par des ménagères.
Elles avaient fait appel à un ingénieur. La première fois que je
l'ai vu dans l'usine, je me suis dit : « tiens, il y a quand même
un jeune ouvrier dans cette usine ! ». C'était l'ingénieur, ses
mains étaient sales, noires de graisse, ses vêtements aussi.
Souvent un ingénieur gagne moins qu'un ouvrier.
Cela dit, il y a actuellement une grande enquête sur les salaires,
dans toutes la Chine, pour définir comment on va les réformer dans
le sens d'une plus grande justice, de la réduction des écarts.
Cela
prend du temps ! Il faut savoir qu'avant il y avait même une
disparité d'une région à l'autre. C'est que la Chine c'est grand :
dix-huit fois la France...
Alors actuellement les salaires sont figés, ils sont à peu près les
mêmes qu'avant la Révolution Culturelle, c'est-à-dire que dans une
usine ils varient de 40 à 110-120 yuans.
40 yuans pour un jeune
apprenti, autour de 70 yuans pour les ouvriers et les ouvriers et
les ingénieurs, 110 yuans pour les ouvriers vétérans.
Ça va du simple au double et demi, c'est une question d'ancienneté,
ce n'est pas une question de catégories professionnelles.
Dans une
usine, où je m'étonnais qu'un ingénieur continuait à avoir un
salaire important, on m'a répondu que ce n'est pas tout de réduire
les salaires, encore faut il que cet ingénieur en fût convaincu.
C'est pourquoi une réforme des salaires à l'échelle de toute la
Chine ne se règle pas du jour au lendemain.
Ça représente quoi ces salaires ?
Un yuan ça représente un peu plus de 2 francs (30 centimes
d'euros), mais ça ne veut pas dire grand chose, parce que eux avec
un yuan, il font bien plus que nous avec 2 francs.
Avec 2 francs vous n'achetez pas un kilo de viande !
Le prix des marchandises est stable. Il n'y a pas de hausse, la
tendance est plutôt à la baisse.
Avec un salaire de 70 yuans, un
ouvrier peut très bien nourrir une femme et trois enfants. D'après
une enquête des travailleurs de Pékin, il faut environ 12 yuans par
an et par personne pour vivre.
J'ai noté quelques chiffres : une livre (un demi-kilo) de mouton
coûte 0,71 yuan, un poulet 0, 73 yuan, une livre de choux 0,1 yuan,
une livre de tomates 0,14 yuan, une livre d'oeufs - à peu près 10
oeufs - 0,9 yuan...
Vous mangez un repas pour 0,2 ou 0,3 yuan.
Il n'y a pas d'impôts en Chine, et le loyer, y compris le gaz,
l'eau et l'électricité, tourne autour de 1 à 4 yuans par mois.
En
plus, la médecine est complètement gratuite pour les travailleurs,
et pour les femmes qui ne travaillent pas, l'hôpital et la médecine
sont gratuits et les médicaments coûtent la moitié du prix.
Donc,
tout le monde le dit en Chine, on n'a pas de problèmes d'argent.
Tout le monde mange et mange bien.
Je l'ai constaté partout, il y a
une profusion de légumes, de fruits, de viande. Les produits de
première nécessité sont bon marché. Et on ne fait pas la queue
avant de pouvoir être servi.
Quelle est la moyenne hebdomadaire d'heures ?
Je vais vous donner un horaire de travail dans une usine, c'est à
peu près la même chose partout.
De 7h30 à 8h, on fait de la culture physique et de l'entraînement
des milices populaires. Il faut savoir qu'en Chine la culture
physique est très répandue.
De 8h à 8h30, c'est l'étude philosophique des Oeuvres du président
Mao et de la situation politique.
De 8h30 à 10h30, on travaille.
De 10h30 à 10h45, on arrête, on fait de la culture physique.
De 10h45 à 12h, on travaille.
De 12h à 12h30, on déjeune
De 12h30 à 14h30, on travaille
De 14h30 à 14h45, on fait de la culture physique pour se détendre
De 14h45 à 16h, on travaille
Et de 16h30 à 18h30, il y a des réunions d'étude politique, ou de
l'entraînement des milices populaires, ou des réunions pour des
innovations techniques.
Par exemple, un ouvrier a une idée pour
transformer sa machine, alors il fait appel à d'autres ouvriers, à
des cadres, à des techniciens, et il se constitue un groupe d'étude
pour améliorer la machine. Alors la durée de travail est en général
de 7 à 8 heures par jour.
Et comment ça se passe avec le travail continu ?
Il peut y avoir des ateliers qui travaillent par équipes, par
roulement de deux ou trois équipes. Alors pour les ouvriers qui
travaillent la nuit, les magasins sont ouverts la nuit et les
cantines fonctionnent aussi.
On dit que des familles entières prennent leurs repas à la cantine,
c'est vrai ?
Oui, en général la femme ne fait pas la cuisine. Sauf le dimanche,
et à moins qu'elle ne travaille pas ou qu'elle en ait envie. Elle
peut aussi commander les repas à la cantine et les amener chez
elle, ou commander des extras...
Il existe des cantines ans toutes les usines et des cantines liées
aux quartiers dans les usines. De plus, les travailleurs habitent
en général tout près de leur usine : ils ont 200, 500 mètres à
faire.
Alors tout le monde mange à la cantine, surtout qu'on y
mange bien. Comme disent les Chinois : puisque les travailleurs ont
le souci de la production pour le bien-être du peuple, les
cuisiniers ont le souci de la cuisine pour le bien-être des
travailleurs.
Dans une usine où j'étais, j'ai mangé à la cantine. J'ai vu qu'il y
a une grande variété de plats. Des raviolis, ils en faisaient deux
fois par semaine. Alors qu'avant la Libération, c'était un luxe
quand on pouvait s'en payer une fois l'an !
Et j'ai découvert à cette cantine une machine pour éplucher les
légumes, et une autre pour fabriquer les raviolis. C'était les
ouvriers qui les avaient fabriquées pour aider leurs camarades
cuisiniers. Il faut dire que les raviolis sont beaucoup plus gros
en Chine que les raviolis italiens, ceux-là c'est des raviolis qu'a
ramenés Marco Polo.
Ainsi les ouvriers vont parfois travailler à la cuisine, et les
cuisiniers vont à la production, et ils font des enquêtes dans les
ateliers.
Autrement dit, le casse-croûte n'existe plus ?
Il existe deux sortes de casse-croûtes : les employés de la cantine
circulent dans les ateliers avec des petites tables roulantes, on
peut acheter des pains sucrés ou boire quelque chose.
Par exemple
dans les ateliers où il fait chaud, on distribue des sortes de jus
de fruits fabriqués à la cantine et qu'on ne trouve pas en ville.
Je n'en ai pas bu d'aussi bon à l'hôtel !
D'ailleurs il y a beaucoup de circulation dans l'usine. Vous voyez
tous les jours des médecins, des infirmières circuler dans les
ateliers pour voir si un ouvrier a besoin de quoi que ce soit, ou
apporter des médicaments en cas de besoin.
Mais alors pourquoi les cantines ne sont pas gratuites ?
D'abord le repas à la cantine est bon marché, environ 0,3 yuan. Mai
si on se pose la question : pourquoi les cantines ne sont pas
gratuites, il faut aussi la poser pour les transports, pour les
habits. Bref, la gratuité totale.
Demandons-nous si c'est possible la gratuité totale. Est-ce qu'il
peut exister une enclave de société idéale, ayant réalisé le
communisme, alors que les trois-quart des peuples du monde sont
encore opprimés. Qu'est-ce qui est le plus important, la gratuité
de la cantine, ou aider les mouvements révolutionnaires ?
Le peuple
chinois aide le Vietnam, aide les peuples d'Indochine, les
Palestiniens, il envoie des armes, du riz.
Cela se fait par le
travail de la classe ouvrière chinoise, elle sait qu'elle fait des
sacrifices pour la révolution mondiale. On cite en exemple un
ouvrier qui a préféré renoncer à aller à l'enterrement de son père
pour continuer à fabriquer des canons pour le Vietnam.
Vous comprenez, la classe ouvrière travaille dur pour le peuple
chinois, et pour les autres peuples. Alors comment peut-on parler
de la gratuité des cantines à ce moment-là ?

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