Histoire du Parti Communiste de
Chine
2.La
guerre populaire du PC de Chine
a)le début de la lutte armée et la longue marche
(1927-1935)
Après l'écrasement
du mouvement ouvrier, les communistes de Chine se regroupent
dans les Monts Tsingkiang, formant une base rouge. Le point de
départ théorique est l'uvre de Mao Zedong,
qui en octobre 1928 fait publier un ouvrage résumant cette
nouvelle stratégie.
Dans " Pourquoi le pouvoir rouge peut-il exister en Chine?",
Mao analyse la situation politique du pays, et justifie l'établissement
du pouvoir rouge dans certaines zones. Il s'agit de profiter
de la domination indirecte de l'impérialisme sur le pays,
de la situation de guerre imposée par la concurrence des
anciens et des nouveaux seigneurs de guerre, de l'existence d'une
économie agricole locale, et de la division du pays en
zones d'influence impérialiste.
Pour cela, il faut également que l'évolution de
la situation révolutionnaire à l'échelle
nationale aille dans un sens positif, que le Parti Communiste
mène une politique juste, que l'Armée Rouge soit
extrêmement bien organisée, et ne consiste pas en
de simples détachements.
Après ces analyses, Mao explique
pourquoi dans telle ou telle région l'établissement
du pouvoir populaire est possible, explication qu'il reprendra
très précisément dans le texte " La
lutte dans les monts Tsingkiang ", où il analyse
les problèmes militaires, agraires, les questions du pouvoir
politique, de l'organisation du Parti, le caractère de
la révolution, la question de la localisation de la base
révolutionnaire.
La question de violence révolutionnaire en Chine avait
déjà été souligné par Staline
:
" Les révolutionnaires
chinois, les communistes y compris, doivent étudier avec
une attention toute particulière l'art militaire. Ils
ne doivent pas considérer les questions militaires comme
secondaires, parce que celles-ci constituent à présent
le facteur le plus important de la révolution chinoise
" (Staline, Discours à
une séance de la commission chinoise du 7ème plénum
élargi du Comité exécutif de l'Internationale
Communiste, novembre 1926.).
Mao Zedong a de fait développé une tactique militaire
adaptée aux conditions concrètes de la révolution
chinoise. Comme il le dit dans " une étincelle peut
mettre le feu à toute la plaine ", où il réexplique
les principes fondamentaux de la guerre révolutionnaire
en Chine ; il y cite la lettre du Comité du Front au Comité
Central :
" La tactique
que nous avons dégagée de la lutte de ces trois
dernières années diffère réellement
de tout ce qui s'est fait jusqu'à présent dans
tous les pays et à toutes les époques. Grâce
à notre tactique, la lutte des masses se développe
en ampleur, et l'adversaire le plus puissant ne peut venir à
bout de nos forces.
Notre tactique, c'est celle de la guerre de partisans.
Elle se
ramène, pour l'essentiel, aux principes suivants :
· Disperser les forces pour soulever les masses, concentrer
les forces pour faire face à l'ennemi.
· L'ennemi avance, nous reculons ; l'ennemi s'immobilise,
nous le harcelons ; l'ennemi s'épuise, nous le frappons
; l'ennemi recule, nous le pourchassons.
· Pour créer des bases révolutionnaires
stables, recourir à la tactique de la progression par
vagues. Au cas où l'on est talonné par un ennemi
puissant, adopter la tactique qui consiste à tourner en
rond.
· Dans le minimum de temps, avec les meilleures méthodes,
soulever les masses les plus larges.
En somme, c'est la tactique du filet de pêche qu'il faut
savoir lancer ou retirer à tout moment ; on le lance pour
la conquête des masses, on le retire pour faire face à
l'ennemi. Telle est la tactique dont nous nous sommes constamment
servis au cours des trois dernières années " (Mao Zedong, Une étincelle peut
mettre le feu à toute la plaine).
Les premières années de lutte armée, l'armée
rouge tente surtout d'éviter les politiques d'anéantissement
du KMT. En 1931, les impérialistes japonais interviennent
directement, occupant le nord-est de la Chine (la Mandchourie).
Ils sont immédiatement confrontés
à une guerre de partisans menée par les communistes.
Le Kuo Min-Tang, continue quant à lui simplement sa lutte
contre le PCC, sans attaquer les japonais, et doit faire face
à de nombreuses désertions de ses membres qui rejoignent
les partisans communistes. En novembre a lieu le premier congrès
panchinois des soviets, où est proclamée la République
soviétique chinoise, avec Mao Zedong comme président.
En 1932 le Parti est dirigé par Wang Ming, qui développe
une ligne déviationniste remettant l'accent sur les villes
et aboutissant à l'affaiblissement de la base rouge.
En conséquence, alors qu'en 1932 le PCC avait pu repousser
les 500.000 soldats du KMT, en octobre 1933 Mao Zedong dut lancer
la " longue marche " afin d'éviter l'écrasement
par la 5ème campagne d'encerclement mené par Tchiang
Kaï-Chek.
Des 100.000 soldats de l'armée
rouge, seulement 35.000 arrivèrent à bon port.
En 1935, à une session élargie du bureau politique,
Mao Zedong est nommé responsable du Parti. Il fait alors
un rapport qui est un véritable texte stratégique
d'une vingtaine de pages, intitulé " La tactique
de la lutte contre l'impérialisme japonais ".
Il y analyse la situation nationale,
et constate le développement du mouvement révolutionnaire,
y défend le principe du " front uni national "
et celui d'une république populaire aux objectifs anti-impérialistes
et anti-féodaux, et intégrant donc des classes
autres que la classe ouvrière et la paysannerie.
b)la
résistance anti-japonaise (1936-1945)
En 1936 Mao Zedong publie le long
texte " Problèmes stratégiques de la guerre
révolutionnaire ". Il y développe une analyse
matérialiste historique des guerres, montre l'existence
et la validité de celle-ci en Chine et la manière
de la mener.
" Les lois
de la guerre sont un problème que doit étudier
et résoudre quiconque dirige une guerre.
Les lois de la guerre révolutionnaire sont un problème
que doit étudier et résoudre quiconque dirige une
guerre révolutionnaire.
Les lois de la guerre révolutionnaire en Chine sont un
problème que doit étudier et résoudre quiconque
dirige une guerre révolutionnaire en Chine.
Nous faisons actuellement la guerre ; notre guerre est une guerre
révolutionnaire et celle-ci est menée en Chine,
c'est-à-dire dans un pays semi-colonial et semi-féodal.
C'est pourquoi nous devons étudier non seulement les lois
de la guerre en général, mais également
les lois spécifiques de la guerre révolutionnaire
et les lois spécifiques particulières de la guerre
révolutionnaire en Chine.
Personne n'ignore que, quelle que soit la chose qu'on fait, on
ne peut connaître les lois qui la régissent, on
ne sait comment l'entreprendre et on n'arrive à bien la
faire que si l'on en comprend les conditions, le caractère
et les rapports avec les autres choses.
La guerre qui a commencé avec l'apparition de la propriété
privée et des classes est la forme suprême de lutte
pour résoudre, à une étape déterminée
de leur développement, les contradictions entre classes,
entre nations, entre Etats ou blocs politiques. Si l'on ne comprend
pas les conditions de la guerre, son caractère, ses rapports
avec les autres phénomènes, on ignore les lois
de la guerre, on ne sait comment la conduire, on est incapable
de vaincre.
La guerre révolutionnaire, qu'elle soit une guerre révolutionnaire
de classe ou une guerre révolutionnaire nationale, outre
les conditions et le caractère propres à la guerre
en général, a ses conditions et son caractère
particuliers, et c'est pourquoi elle est soumise non seulement
aux lois de la guerre en général, mais également
à des lois spécifiques. Si l'on ne comprend pas
les conditions et le caractère particuliers de cette guerre,
si l'on en ignore les lois spécifiques, on ne peut diriger
une guerre révolutionnaire, on ne peut y remporter la
victoire.
La guerre révolutionnaire en Chine, qu'il s'agisse d'une
guerre civile ou d'une guerre nationale, se déroule dans
les conditions propres à la Chine et se distingue de la
guerre en général ou de la guerre révolutionnaire
en général, par ses conditions et son caractère
particuliers. C'est pourquoi elle a, outre les lois de la guerre
en général et les lois de la guerre révolutionnaire
en général, des lois qui lui sont propres. Si l'on
ne connaît pas toutes ces lois, on ne peut remporter la
victoire dans une guerre révolutionnaire en Chine.
C'est pourquoi nous devons étudier les lois de la guerre
en général, les lois de la guerre révolutionnaire
et, enfin, les lois de la guerre révolutionnaire en Chine
" (Mao Zedong, Problèmes
stratégique de la guerre révolutionnaire).
Mao Zedong part du primat de la pratique, ce qui est essentiel,
c'est l'aspect pratique, révolutionnaire.
" Etudier dans
les livres, c'est une façon d'apprendre ; appliquer ce
qu'on a appris, c'en est une autre, plus importante encore. Notre
méthode principale, c'est d'apprendre à faire la
guerre en la faisant " (Mao
Zedong, Ibidem).
Reprenant l'historique de la lutte armée du PC de Chine,
Mao Zedong constate la nécessité de s'orienter
constamment par rapport à l'objectif politique :
" La guerre révolutionnaire de 1924-1927 s'est déroulée,
on peut le dire, dans des conditions où le prolétariat
international et le prolétariat chinois exerçaient
avec leurs partis une influence politique sur la bourgeoisie
nationale chinoise et son parti et établissaient avec
ces derniers une coopération politique.
Mais à un moment critique de la révolution et de
la guerre, au premier chef en raison de la trahison de la grande
bourgeoisie, et aussi du fait que les opportunistes, dans les
rangs révolutionnaires, ont d'eux-mêmes renoncé
à la direction de la révolution, cette guerre révolutionnaire
s'est soldée par une défaite.
La Guerre révolutionnaire agraire, qui a commencé
en 1927 et qui se poursuit encore actuellement, se déroule
dans de nouvelles conditions. L'ennemi, dans cette guerre, n'est
pas seulement l'impérialisme, mais aussi le bloc formé
par la grande bourgeoisie et les grands propriétaires
fonciers. La bourgeoisie nationale s'est mise à la remorque
de la grande bourgeoisie.
C'est le Parti Communiste seul qui dirige cette guerre, où
il a déjà assuré son hégémonie
absolue. Cette hégémonie sans partage du Parti
Communiste constitue la condition essentielle de la poursuite
ferme et conséquente de la guerre révolutionnaire.
Si le Parti Communiste n'exerçait pas cette hégémonie,
il serait inconcevable que la guerre révolutionnaire puisse
avoir ce caractère opiniâtre"
(Mao Zedong, Ibidem.).
Ayant défini les principes généraux de la
guerre et décrit comment le PCC a assumé cette
tâche, Mao Zedong explique alors les principes de la guerre
populaire : défense active, retraite stratégique,
contre-offensive, guerre de mouvement, de décision rapide
et d'anéantissement
Mao Zedong nous dit, à propos de la Guerre Populaire,
comparant le point de vue bourgeois et le point de vue révolutionnaire
:
" En d'autres termes, vous comptez sur les armes modernes
et nous nous appuyons sur un peuple à haute conscience
révolutionnaire ; vous mettez votre supériorité
à contribution et nous faisons de même avec la nôtre
; vous avez votre manière d'attaquer et nous avons la
nôtre : lorsque vous voulez nous attaquer, nous ne vous
laissons pas nous toucher et vous ne pouvez même pas fondre
sur nous.
Mais lorsque nous nous voulons vous attaquer, nous sommes certains
de vous atteindre, et nous frappons juste et vous anéantirons.
Nous vous éliminons lorsque nous le pouvons ; lorsque
nous ne pouvons pas vous éliminer, nous ne nous laissons
pas non plus éliminer par vous. Ne pas se battre lorsqu'on
peut gagner est de l'opportunisme. Et s'obstiner à combattre
lorsqu'on ne peut vaincre est de l'aventurisme.
Tous nos principes stratégiques et tactiques reposent
sur ce point fondamental - attaquer. La nécessité
du repli est subordonné aux nécessités de
l'attaque. Car chaque repli vise à attaquer l'ennemi et
à l'anéantir une fois pour toutes. L'application
de cette stratégie et de ces tactiques n'est possible
que par l'appui sur les larges masses populaires.
Et leur pratique nous permet d'user
au maximum de la supériorité de la guerre populaire
et de garder l'initiative tout au long de la guerre, en acculant
l'ennemi à la passivité qui le fait s'exposer aux
coups, quelle que soit sa supériorité sur le plan
technique et matériel, quels que soient les moyens auxquels
il pourrait recourir ".
Cette compréhension nouvelle
de la stratégie révolutionnaire, de la guerre populaire,
donne une grande assurance aux communistes de Chine. Les contradictions
se développant dans le KMT, le PCC demande alors la libération
de Tchiang Kaï-Chek, arrêté par ses propres
officiers. Un choix tactique efficace alors que le pays entend
combattre les Japonais, mais vit dans une atmosphère anti-communiste,
et que l'armée du KMT dispose de 2.9 millions de soldats,
l'armée rouge de 30.000.
Un choix qui correspond à la décision du 7ème
congrès de l'Internationale Communiste, qui en juillet/août
1935 a appelé à la formation de front le plus large
possible dans le cadre de la lutte contre les forces fascistes.
Le PCC signe alors un protocole d'accord avec le KMT. L'armée
rouge participe avec l'armée du KMT à la lutte
contre les Japonais, comprise comme principale. Mais le PCC est
reconnu et continue de diriger l'armée rouge, peut mener
un travail légal et conserve sa liberté de critique,
cesse la révolution agraire mais garde le contrôle
de ses zones rouges.
Ce changement dans l'attitude du KMT est permis par la politique
du PCC, mais également par la modification du contexte
international. Grosso modo jusqu'en 1939, les impérialistes
français, anglais et américains soutiennent les
initiatives des pays fascistes contre les pays où les
masses populaires se sont soulevées.
C'est le discours sur la "
non-intervention " et la " démocratie ",
qui voile l'écrasement de l'Espagne républicaine
et l'agression contre la Chine, et participe à la politique
d'union des pays capitalistes contre l'Union Soviétique.
Mais l'Allemagne gagnant du terrain et n'entendant pas se contenter
d'une politique anti-soviétique, les impérialistes
US, anglais et français furent obligés de s'allier
à d'autres forces pour bloquer le Japon et l'Allemagne.
Par contre, plus l'Allemagne et le Japon s'affaiblissaient, plus
les impérialistes soutiendront la lutte contre les communistes,
redevenue principale.
En pratique, le KMT ne respectera pas le principe des accords,
attaquant souvent le PCC et les bases rouges, laissant à
l'opposé les Japonais en paix. Les grands succès
du PCC contre ces derniers amèneront à l'opposé
un énorme prestige pour les communistes.
Le texte de Mao Zedong " De
la nouvelle démocratie " est dans l'esprit l'opposé
du " front populaire " du PC en France : il souligne
l'objectif principal et montre que le front est un moyen, pas
un but. Dans un texte de 1938 sur le front uni, Mao Zedong critique
d'ailleurs la conception des communistes de France, pour qui
tout passe par le front et plus rien par le Parti.
c)l'écrasement
du Kuo Min Tang (1945-1949)
La capitulation du Japon le 14 août 1945 marque la fin
d'une étape pour la lutte du PCC. Ce dernier a gagné
en prestige, en force et en qualité. Le congrès
d'avril 1945, le 7ème, a montré qu'il y avait 1.200.000
membres ; l'Armée Populaire de Libération a un
million de combattant et s'appuie sur 2 millions de milicienNEs.
Mais le KMT a encore une importance immense. Son armée
possède 4 millions de soldats, il contrôle les villes
et a le soutien massif de l'impérialisme US.
Aussi le PCC propose-t-il la formation d'un gouvernement de coalition,
tout en soulignant que " les armes du peuple - chaque fusil
et chaque balle - doivent être conservées "
(Mao Zedong, A propos des négociations à Tchunking,
1945).
Les négociations échouent,
et en juillet 1946, le KMT lance une offensive contre les bases
rouges.
Mais ses bases sont travaillées par la propagande du PCC.
Rien qu'en 1947 il y a 3.000 grèves ouvrières ;
les manifestations anti-impérialistes se multiplient,
et finalement dans 17 provinces plus d'un million de paysans
se révoltent.
Le PCC arrive à rassembler
les masses, non seulement contre le féodalisme et l'impérialisme,
mais également contre le Capital bureaucratique qui domine
le pays par le KMT. Le PCC peut également socialiser les
campagnes, la nécessité de la " retenue "
causée par l'alliance anti-japonaise n'existant plus.
L'Armée Populaire de Libération passe alors à
l'offensive, et en 1949 c'est la prise des villes.
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