Histoire du Parti Communiste de
Chine
4.Le
développement du socialisme et
la rupture avec le révisionnisme soviétique
a)Le grand bond en avant (1958)
L'année 1958 est une année
très importante pour le socialisme en Chine, car c'est
le début de développements originaux dans la construction
du socialisme. Le 29 août 1958, le Comité Central
adopte une " résolution sur l'établissement
des communes populaires dans les régions rurales ".
Trois objectifs essentiels motivaient cette résolution
:
· réaliser la " collectivisation de la vie
", afin de contribuer au processus de libération
de la femme et à la lutte contre l'individualisme (en
pratique : création de réfectoires, de blanchisseries,
de jardins d'enfants, etc.) ;
· créer une unité entre l'organisation économique
et l'organisation politique : les organes exécutifs des
districts fusionnent avec ceux des coopératives, la compétence
de la commune devenant générale (économique,
civile, militaire avec les milices
) ;
· avancer vers le communisme dans le mode de répartition,
en passant de " à chacun selon son travail "
à " chacun selon ses besoins " : création
de services communautaires et extension de leur gratuité,
avancée dans l'égalité des salaires, répartition
des produits disponibles selon les besoins.
Initialement 740.000 coopératives socialistes furent fusionnées
en 24.000 communes, puis finalement en 74.000. Le mouvement des
communes urbaines s'arrêta par contre relativement vite
en raison de l'impréparation.
Ce mouvement des communes est parallèle au grand bond
en avant : une véritable révolution est effectuée
dans le mode de pensée concernant la gestion du travail.
La création des communes populaires en 1958 fut le plus
audacieux et le plus controversé des bonds en avant de
la Chine de Mao. Ce fut elle qui déclencha la lutte entre
les deux lignes à l'intérieur du pays. La rupture
radicale entraînant une mutation dans la mentalité
paysanne eut lieu en 1956, quand ont persuada les paysans propriétaires
de renoncer à la propriété de la terre,
des instruments aratoires et des animaux de trait.
Les conditions qui rendirent ce changement possible sont aux
nombres de deux : tout d'abord les pays pauvres et moyens pauvres,
majoritaires, ne possédant rien, ne perdaient rien. Deuxièmement,
l'éducation que ceux-ci avaient acquise au cours de ces
années leur permettait de faire entendre leur voix.
Les paysans moyens et riches ne manquèrent pas de s'opposer
à ces mesures. La Révolution Culturelle démontra
que des dissensions à cet égard existaient jusqu'aux
échelons supérieurs du parti. C'est une des raisons
de l'opposition de Mao à la thèse de Liou Shao-chi
selon laquelle la lutte des classes disparaîtra une fois
consolidé le pouvoir socialiste.
Les communes populaires devaient assumer la gestion des coopératives,
les charges de l'administration locale et promouvoir l'industrie
de la région. Le passage des équipes d'entraide
aux communes populaires révélait la possibilité,
pour un peuple motivé, de " forcer la main à
l'histoire ". Il n'est pas réaliste de croire qu'on
obtint cela par la contrainte. Il n'y aurait jamais eu assez
de fusils pour obtenir de plus de 500 millions de paysans qu'ils
s'attellent à une tâche qu'ils renâclent.
Et de toute façon, les paysans détenaient les fusils
!
Les communes étaient organisaient sur trois niveaux :
l'équipe, la brigade et la commune.
A chacun de ces niveaux, on élisait régulièrement
un comité de direction : " corps dirigeant "
au niveau de l'équipe, " comités révolutionnaires
" au niveau des brigades et des communes. Le noyau autour
duquel s'organisaient toutes les activités était
l'équipe : c'était elle qui déterminait
les modalités et les objectifs de la mise en valeur des
terres, qui fixait le système des normes de travail, qui
rémunérait chaque tâche en fonction du nombre
de points de travail qui lui était attribué.
Les membres de l' " organe dirigeant " travaillaient
aux champs comme tout le monde, leur travail administratif était
rémunéré par un certain nombre de points,
en fonction de la norme fixée pour cette tâche par
les membres de l'équipe.
La brigade correspondait généralement
aux coopératives avancées et se chargeait de travaux
qui excédaient les possibilités des équipes
: certains travaux hydrauliques, l'exploitation de moulins à
riz, d'usines alimentaires, d'ateliers de réparation,
de machines agricoles, la surveillance des écoles primaires
et des petites infirmeries.
Les membres des comités révolutionnaires étaient
des ouvriers agricoles à temps complet. Au sommet de la
pyramide se trouvait le comité révolutionnaire
de la commune qui assumait les tâches débordant
les possibilités de la brigade : la gestion d'atelier,
de réparations pour les tracteurs et pour le gros matériel,
d'usines hydroélectriques, de fabriques d'engrais, etc.
Le comité révolutionnaire exerçait également
dans le domaine administratif et militaire ; il était
chargé de l'enseignement secondaire et technique et des
infirmeries, capables de dispenser des soins chirurgicaux élémentaires.
Les membres du comité révolutionnaire communal
étaient pratiquement des fonctionnaires de l'administration
à temps complet, mais ils étaient tenus de travailler
aux champs au moins deux mois par an, pour se prémunir
contre le virus bureaucratique. Leur traitement annuel était
sujet au même barème que celui appliqué aux
autres membres de la commune : travail fourni, attitude envers
le travail et les camarades.
La structure de l'exécutif communal avait été
conçue pour empêcher l'émergence d'une classe
mandarinale : élection démocratique de l'équipe
dirigeante, droit de révoquer à n'importe quel
moment tout membre jugé incompétent.
On pourrait reprendre la définition des communes populaires
formulées dans le numéro de janvier 1972 de la
revue Chine en reconstruction :
" Conçue comme l'unité de base de la société
socialiste chinoise et du pouvoir politique prolétarien
dans les campagnes
la commune populaire est une organisation
sociale de type nouveau qui unifie les domaines politique, économique,
militaire et culturel. "
Le terme de " pouvoir politique prolétarien "
est juste car l'immense majorité de la paysannerie chinoise
n'était pas propriétaire, elle ne vivait que de
la vente de sa force de travail aux propriétaires terriens.
Après la création des coopératives socialistes,
les revenus furent distribués au prorata du travail fourni
et les paysans assumèrent la gestion de leur propre politique.
En fait, les communes n'étaient pas un saut dans l'inconnu,
leur réussite en agriculture en est un témoignage,
car pour la première fois de leur vie, les paysans chinois
vont pouvoir manger à leur faim et produire des excédents.
A la fin de l'année 1968 le Quotidien du Peuple dira ainsi
:
" Le rapide développement de notre économie
nationale en 1958 montre le caractère correct de la politique
du Parti qui, tout en mettant l'accent sur le développement
de l'industrie lourde, veut développer simultanément
l'industrie légère, " faire un bond en avant
" dans tous les domaines et surtout dans celui de la production
de l'acier, développer simultanément l'industrie
nationale et l'industrie locale, les grandes, les moyennes et
les petites entreprises, employer à la fois les méthodes
locales et les méthodes étrangères, comme
est correcte également la méthode qui consiste
à associer la direction centralisée de la production
industrielle aux mouvements de masse, en un mot, la méthode
qui consiste à marcher avec ses deux pieds et non seulement
avec un pied ou un pied et demi " (Le Quotidien du Peuple,
17 décembre 1958).
Le PCC montre sa capacité à mobiliser les masses,
et celles-ci montrent leur capacité à comprendre
le sens de la " bataille pour la production ". Mais
le mouvement fut grisé par le succès, et une importante
quantité de mauvais acier fut produite lorsque la lutte
pour l'acier se généralisa au pays tout entier
par l'utilisation de petits hauts-fourneaux.
Le " grand bond en avant " est une cible particulière
de la propagande impérialiste. Les raisons en sont évidentes
: l'impérialisme préfère une Inde dépendante
mourant de faim à une Chine socialiste. L'ouvrage "
Les forçats de la faim dans la Chine de Mao " (Jasper
Becker, L'Esprit Frappeur 1999) considère par exemple
qu'il y a eu 30 millions de morts, grugeant en fait les chiffres
du taux de natalité. La vérité est bien
sûr toute autre. Si famine il y a eu, c'est en raison de
la situation générale de la Chine.
Visitant en 1964 la commune populaire de Yang-Ling, dans la province
du Shaanxi, l'agronome René Dumont rappelle la situation
qui prévalait auparavant :
" En 1929, une famine effroyable a sévi sur la région
qui aurait fait mourir 40% de la population de cette commune
et obligé nombre de foyers à vendre leurs enfants
et leurs terres ; ceux qui ne pouvaient rembourser leurs dettes
étaient odieusement battus.
Là-dessus intervinrent les bandits qui volèrent,
mirent le feu aux maisons, blessèrent des centaines et
tuèrent des dizaines de paysans. La commune est venue
à bout de calamités naturelles du même ordre
-on dit même supérieures-survenues en 1959-1961.
Aussi les vieux, qui peuvent comparer les deux époques,
disent que sous la direction Parti-Mao, on peut vaincre les calamités
" (René Dumont, Chine surpeuplée, Tiers-Monde
affamée. Le Seuil, 1965, p.145).
La situation avait en effet toujours été catastrophique
jusque là. En 1920-1921, la famine avait par exemple une
nouvelle fois sévit en Chine du Nord, suite à la
sécheresse des provinces du Jilin, Shandong, Henan, Shanxi,
et Shaanxi.
" Les statistiques partielles d'un comité protestant
de secours aux victimes estimaient que dans 317 xian (districts)
de ces cinq provinces,19 millions de paysans sur 48 millions
étaient totalement sinistrés (
). On mangeait
les feuilles et les écorces des arbres. On mangeait les
animaux de trait, on mettait en gage le matériel agricole,
on vendait les enfants à la ville pour le travail ou pour
le plaisir " (Jean Chesneaux : La Chine. Tome 2. L'illusoire
modernité 1885-1921, Hatier, 1976, p.190).
Qu'en est-il dans la Chine socialiste ?
En 1960, Edgar Snow qui visite la Chine à cette époque
(Edgar Snow, La Chine en Marche, Robert Laffont, 1966), "
Pendant 5 Mois (
) dans dix-neuf grandes villes et 14 des
22 provinces chinoises, j'avais eu plus de 70 entretiens avec
des leaders chinois (
) jusqu'aux jeunes cadres et j'avais
pu aussi parler librement avec des soldats, des paysans, des
ouvriers, des intellectuels, des avocats, des journalistes, des
acteurs, des pédiatres, des nomades, des piroguiers, des
prêtres, d'anciens propriétaires terriens, etc.
".
Il raconte : "Je me rends compte qu'il existe un mythe de
la " famine générale " qui sévirait
en Chine (
). S'il est actuellement aussi répandu,
c'est grâce à la propagande de la presse mobilisée
dans la guerre froide (...).
Pendant mon séjour en Chine, Look me demanda des informations
sur la " famine " : mes investigations furent infructueuses
et je fus incapable de photographier des gens mourant de faim,
ou mendiant de la nourriture.
Personne n'eut d'ailleurs plus de succès (
) Autant
que je sache, aucun voyageur non communiste, ayant séjourné
en Chine pendant cette période, n'a apporté la
preuve indiscutable d'une telle famine.
Je ne parle pas ici de rationnement alimentaire, ni de restrictions
sur le superflu que j'ai maintes fois signalé ; je parle
de gens qui meurent de faim, au sens que la plupart d'entre nous
donnent au mot " famine " et dont je fut jadis témoin
".
Il poursuit : " Mes affirmations sont corroborées
par des informations toutes fraîches en provenance d'observateurs
occidentaux ayant séjourné en Chine plus récemment
que moi encore. Tel est le cas de Gilbert Etienne, l'économiste
suisse, professeur à l'Institut International des Etudes
Supérieures de Genève, qui a publié ses
impressions dans Le Monde ; de même Clare Mc Dermott, correspondant
attitré de l'agence Reuter à Pékin ; ou
encore le docteur Armand Forel, membre de l'Assemblée
Fédérale Suisse ; à son retour de Chine,
en juin 1962 il me fit savoir " qu'il avait été
libre de parcourir les rues et qu'il n'avait constaté
aucun symptôme de famine, qu'il n'avait rencontré
aucun mendiant, aucun enfant sous-alimenté ou rachitique
".
Edgar Snow explique bien que les inondations, la sécheresse
et les insectes nuisibles avaient ravagé près d'un
tiers des terres cultivées en 1959.
Il nous précise :
" Les restrictions alimentaires n'en sont pas moins réelles.
Ce n'est pas un fait nouveau (
). Le fait nouveau est que
des millions de gens ne meurent plus de famille, comme c'était
le cas pendant les famines chroniques dans les années
20, 30 et 40. Le fait nouveau est qu'un système de rationnement
équitable a été imposé pour la première
fois en Chine. Il est à peine croyable que le gouvernement
chinois (quoique l'histoire puisse au demeurant lui reprocher)
ait pu payer en devises des millions de tonnes de céréales
dont l'importation avait été rendue nécessaire
par le déficit de la récolte de 1960".
b)la critique
du social-impérialisme soviétique
Avec le renforcement de la clique
de Khrouchtchev en URSS, la lutte idéologique devient
de plus en plus forte pour le PCC. Celui-ci refuse déjà
la remise en cause de la critique de la clique fasciste de Tito,
que Khrouchtchev tente de réhabiliter au niveau international.
Sont ainsi publiés en juin 1958 les textes " Le révisionnisme
yougoslave est le produit de la politique impérialiste
" et " Le révisionnisme yougoslave répond
exactement aux besoins de l'impérialisme US ".
La critique du révisionnisme soviétique ne s'arrêtera
pas là, avec notamment en 1959, pour le 80ème anniversaire
de la naissance de Staline, un article dans le Quotidien du Peuple
saluant la mémoire du grand révolutionnaire "
artisan des grands succès remportés par l'Union
soviétique depuis 42 ans " et en 1960, publié
dans le Drapeau Rouge, le document " Vive le léninisme
".
Le prestige du PCC est tel que le PCUS est obligé d'accepter
un compromis au congrès des 81 partis communistes et ouvriers
à Moscou. Dans le document final, le PCUS reconnaît
que la voie pacifique au socialisme n'est pas universelle ; à
l'opposé le PCC est représenté par les révisionnistes
Liou Shao-chi et Deng Xiaoping, qui font le même type de
compromis avec les positions capitulationnistes du PCUS, affirmant
que certaines formes de passage du capitalisme au socialisme
pouvaient être pacifiques.
Les dirigeants révisionnistes russes ne se permettent
que rarement de critiquer la Chine, utilisant pour cela les "
partis communistes " des pays de l'Est, devenus des pays
dépendants de la Russie, ou encore le " PC italien
". Et les attaques ne se dirigent qu'indirectement contre
le PCC : elles visent le Parti du Travail d'Albanie, qui critique
lui le révisionnisme d'un point de vue dogmatique (prétendant
défendre unilatéralement Staline).
Le PC de Chine répond lui directement dans une série
d'articles publiés dans le Quotidien du Peuple et dans
le Drapeau Rouge :
· Prolétaires de tous les pays, unissons-nous contre
l'ennemi commun (15 décembre 1962) ;
· Les divergences entre le camarade Togliatti et nous
(31 décembre 1962) ;
· Léninisme et révisionnisme moderne (5
janvier 1963) ;
· Unissons-nous sous la bannière des déclarations
de Moscou (27 janvier 1963) ;
· D'où proviennent les divergences : réponse
à Maurice Thorez (27 février 1963) ;
· Encore une fois sur les divergences entre le camarade
Togliatti et nous (4 mars 1963) ;
· Commentaires sur les déclarations du PC des Etats-Unis
(8 mars 1963) ;
· Le miroir des révisionnistes (9 mars 1963) ;
· La vérité sur l'alliance de la direction
du PCUS avec l'Inde contre la Chine (2 novembre 1963).
L'URSS répond finalement
par long texte intitulé "Propositions concernant
la ligne générale du mouvement communiste internationale
", que les communistes de Chine rejettent par une lettre
en 25 points rejetant totalement le révisionnisme soviétique.
Le PCUS répond de manière brutale à cette
critique, et le PC de Chine répond tout d'abord par un
communiqué le 15 août, puis par une série
de textes :
· Les divergences entre la direction du PCUS et nous -
leur origine et leur évolution (6 septembre 1963) ;
· Sur la question de Staline (13 septembre 1963) ;
· La Yougoslavie est-elle un pays socialiste (26 septembre
1963) ;
· Des défenseurs du néo-colonialisme (22
octobre 1963) ;
· Deux lignes différentes dans la question de la
guerre et de la paix (19 novembre 1963) ;
· Deux politiques de coexistence pacifique diamétralement
opposés (12 décembre 1963) ;
· Les dirigeants du PCUS sont les plus grands scissionnistes
de notre temps (14 février 1964) ;
· La révolution prolétarienne et le révisionnisme
de Khrouchtchev (31 mars 1964) ;
· Le pseudo-communisme de Khrouchtchev et les leçons
historiques qu'il donne au monde (14 juillet 1964).
Après l'éviction de Khrouchtchev du pouvoir en
URSS, le PCC continuera sa critique contre les nouveaux dirigeants
révisionnistes :
· Le triomphe du léninisme (22 avril 1965) ;
· Luttons jusqu'au bout contre le révisionnisme
khrouchtchevien (14 juin 1965) ;
· De l'unité d'action de la nouvelle direction
du PCUS (11 novembre 1965) ;
· Les dirigeants du PCUS traîtres aux deux déclarations
de Moscou (30 décembre 1965).
La critique effectuée par le PCC est radicale. Pour lui
les choses sont claires :
" Le nouveau groupe dirigeant du Parti Communiste de l'Union
Soviétique pratique le révisionnisme khrouchtchevien
sans Khrouchtchev. Sa ligne consiste à défendre
la domination impérialiste et colonialiste dans le monde
capitaliste et à pratiquer la restauration du capitalisme
dans le monde socialiste " (Déclaration du comité
central du PCC, 1966, In : Jean-Emile Vidal, Où va la
Chine ?, Editions Sociales 1967. Cet ouvrage défend le
point de vue de l'URSS révisionniste.).
Par la suite les révisionnistes ont aménagé
l'Etat socialiste soviétique selon leurs intérêts.
Cette bourgeoisie contrôle ce qui est désormais
un capitalisme d'Etat :
" De la couche privilégiée, bourgeoise, en
Union soviétique, a émergé une classe de
capitalistes monopolistiques et bureaucratiques " (Léninisme
ou social-impérialisme? The China Reader n° 4 - 1966-1972,
vintage books, New York, p.456).
" Les nouveaux tsars révisionnistes soviétiques
ont restauré la vieille politique tsariste de l'oppression
nationale... et transformé l'Union soviétique à
nouveau en une " prison des nations " " (China
Reader, p.458).
Les communistes développent le thème des nouveaux
tsars, qui forme la clique au pouvoir.
" Elle pille à sa guise, sans pitié, et opprime
sauvagement les peuples de certains pays d'Europe orientale (...).
L'appétit de cette clique est plus dévorant que
celui des tsars " (A bas les nouveaux tsars!, Ed. en Langues
Etrangères, Pékin, 1969, p.4).
" La clique des renégats révisionnistes soviétiques
a complètement revêtu la défroque des tsars,
dans le vain espoir de rediviser le monde en collusion avec l'impérialisme
américain et d'établir son hégémonie
mondiale de social-impérialisme....
En Asie, non contente d'avoir transformé la République
populaire de Mongolie en colonie, encore cherche-t-elle à
envahir et occuper davantage le territoire chinois. Au Moyen-Orient
et dans le Sud-Asiatique, elle s'évertue à étendre
son influence coloniale " (A bas les nouveaux tsars!, Ed.
en Langues Etrangères, Pékin, 1969, p.29).
L'URSS n'est plus socialiste, il est à l'opposé
parlé du " social-impérialisme russe "
: social en paroles, impérialiste dans les faits. Les
pays socialistes de l'Est deviennent en quelque sorte des colonies,
les révolutionnaires y sont liquidés et les partis
au pouvoir rassemblent la bourgeoisie bureaucratique vendue au
social-impérialisme russe.
Ce sont ces mêmes bourgeoisies
qui lors de l'écroulement de l'URSS se vendront aux impérialismes
occidentaux, troquant leurs postes de " directeurs ",
" managers " pour celui de " capitalistes ".
Les anciens dirigeants des " partis communistes " vendus
à l'URSS sont toujours au pouvoir, ce sont eux les "
anciens communistes " soi-disant reconvertis.
Le PCC avait bien vu le néo-colonialisme soviétique
et la lutte des peuples et nations des pays de l'Est pour s'en
défaire. Lors de l'invasion de la Tchécoslovaquie
en 1968 le PCC dira ainsi :
" Que les chars soviétiques soient entrés
à Prague, voilà qui, loin de représenter
la force du social-impérialisme, est au contraire le signe
que son empire néo-colonial commence à s'effondrer
".
Mao Zedong dira par conséquent que :
" En URSS aujourd'hui, c'est la dictature de la bourgeoisie,
la dictature de la grande bourgeoisie, c'est une dictature de
type fasciste allemand, une dictature hitlérienne ".
c)Equilibre
et déséquilibre (1959-1964)
Autant l'effort pour l'accumulation
est grande de 1959 à 1961, autant par la suite l'effort
est mis sur un processus d'équilibration. La période
de 1961 à 1964 est ainsi nommée période
de " réajustement, de consolidation et de complètement
". Le mot d'ordre consiste en le suivant : " Prendre
l'agriculture comme base et l'industrie comme facteur dirigeant
".
Le Comité Central dira à ce sujet :
" Compte tenu des sérieuses calamités naturelles
qui ont affecté la production agricole pendant deux années
consécutives, la nation tout entière doit, en 1961,
se concentrer sur le renforcement du front de l'agriculture,
appliquer à fond la politique qui consiste à faire
de l'agriculture la base de l'économie nationale et à
faire que le Parti et le peuple déploient de grands efforts
pour l'agriculture et la production de grains, renforcer le soutien
de tous les métiers et de toutes les professions à
l'agriculture
Dans les zones rurales, il faut consolider les communes populaires
et l'économie rurale, adopter des mesures effectives en
vue de prendre exactement soin de la vie des communes "
(9ème sessions du Comité Central du PCC, Pékin
14-18 janvier 1961).
De fait les intempéries, les plus fortes du siècle,
causeront d'énormes dommages à l'agriculture. Le
PCC va également mettre l'accent sur les déviationnistes
de droite qui s'opposent aux communes et au grand bond en avant.
Ce refus de la confiance dans les masses va s'exprimer au travers
d'une véritable ligne oppositionnelle dans le parti, dirigée
par les révisionnistes Peng Teh-huai (ministre de la défense
nationale), Chang Wen-t'ien (un vétéran) et Chou
Hsiao-chou.
Mao Zedong ira jusqu'à parler au bureau politique de la
possible nécessité de refaire une armée
rouge si la direction de l'armée de libération
s'oppose aux masses. Les dirigeants de la clique antiparti seront
renvoyés à la base, et le révisionnisme
devient un thème d'importance au 10ème plénum
du huitième comité central, dont la résolution
dit ainsi :
" Nous ne devons jamais oublier que cette lutte de classe
est compliquée, tortueuse, qu'elle a des hauts et des
bas et qu'elle est quelquefois très aiguë. Cette
lutte de classe trouve inévitablement son expression au
sein du Parti.
La pression provenant de l'impérialisme étranger
et l'existence des influences bourgeoises à l'intérieur
du pays constituent la source sociale des idées révisionnistes
dans le Parti. En même temps que nous luttons contre les
ennemis de classe intérieurs et étrangers, nous
devons rester vigilants et nous opposer résolument, en
temps utile, aux différentes tendances idéologiques
qui se manifestent au sein du Parti ".
Le premier ministre Chou En-mai constatera par la suite au sujet
de cette époque que :
" A l'époque, nombre de gens se mirent à prêcher
fébrilement sur le plan intérieur l'extension des
parcelles individuelles, l'élargissement du marché
libre, la multiplication des petites entreprises disposant librement
de leurs bénéfices et supportant leurs propres
pertes, la fixation d'un quota de production par foyer paysan,
l'" activité individuelle " (le retour à
l'économie individuelle), la " libéralisation
", la " remise en cause des justes conclusions ",
ainsi que le capitulationnisme dans le domaine du front uni et
sur le plan international, la fin de la lutte contre l'impérialisme,
la réaction et le révisionnisme moderne, ainsi
que la réduction de l'aide à la lutte révolutionnaire
des peuples.
Ces gens-là opposèrent leurs concepts bourgeois
ou révisionnistes à la ligne générale
de notre édification socialiste et à la ligne générale
de notre politique extérieure " (Rapport des 21 et
22 décembre 1964 à la troisième assemblée
nationale).
Il résume alors le point de vue révolutionnaire
:
" Dans notre société socialiste, les propriétaires
fonciers, la bourgeoisie et les autres classes exploiteuses,
bien que renversés, resteront forts et vigoureux pendant
une période relativement longue. Nous ne devons en aucun
cas les sous-estimer.
Entre-temps, de nouveaux éléments bourgeois, de
nouveaux intellectuels bourgeois, d'autres exploiteurs ne cesseront
d'apparaître dans la société, dans les organismes
du Parti et de l'Etat, dans les organisations économiques
et dans les secteurs de la culture et de l'enseignement.
Ces nouveaux éléments bourgeois et autres exploiteurs
sont toujours à la recherche de protecteurs et d'agents
dans les organismes dirigeants des échelons supérieurs.
Les nouveaux et les anciens éléments bourgeois
et les autres exploiteurs s'allient invariablement pour combattre
le socialisme " (Ibidem).
Mao Zedong résumera ainsi l'analyse révolutionnaire
:
" Alors (si nous oublions l'existence de classes et la lutte
des classes) il se passerait peu de temps, peut-être quelques
années ou une décennie, tout au plus quelques décennies,
avant qu'une restauration contre-révolutionnaire n'ait
inévitablement lieu à l'échelle nationale,
que le parti marxiste-léniniste ne devienne un parti révisionniste,
un parti fasciste et que toute la Chine ne change de couleur
".
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