Histoire du Parti Communiste de Chine

 

 



5.La révolution culturelle

a)les avancées de la contre-révolution et le lancement de la révolution culturelle :
Feu sur le quartier général !

Ne pouvant s'exprimer directement politiquement, les contre-révolutionnaires utilisèrent alors la culture pour remettre en avant les valeurs non communistes.

Tout commence avec les écrits de Wou Han, publiés aux éditions " Littérature et Arts " de Pékin. Son roman " Hai Roui destitué de son poste " est une attaque à peine voilée contre la politique du Parti. Cette première publication de janvier 1961 est suivie des " notes marginales du village des trois familles ", écrites par Wou Han en collaboration avec Teng Ho et Liao Mo-Cha.



Ce même Teng Ho va commencer en mars de la même année à publier une chronique régulière dans un journal chinois, chronique intitulée " Causeries du soir de Yen-chan " et consistant en de brèves considérations dans la manière des classiques chinois.

Les critiques contre cette ligne anti-parti se développèrent, tout d'abord contre Wou Han puis contre Teng Ho. Ce dernier fut directement visé par l'article du 8 mai 1966 paru dans le Quotidien de l'Armée et intitulée " Feu sur la ligne noire anti-parti et anti-socialiste ! ".

De son côté le Drapeau Rouge attaquait les positions bourgeoises du Journal de Pékin et de la revue Le Front, et le Quotidien du Peuple reprendra la thématique anti-révisionniste. De mai à juin 1966 commence à se dessiner ce qui va être la révolution culturelle. A l'article du 1er Juin 1966, " Balayer tous les monstres ", du Quotidien du Peuple, répond l'éditorial du lendemain : " Une grande révolution qui touche le cœur de l'homme ".



Dans les facultés le mouvement était également lancé. Un groupe de révolutionnaires avait affiché un dazibao dans la faculté de Pékin, attaquant le recteur (qui était également secrétaire du Parti à l'Université). Le texte se conclut par l'appel suivant :

" Intellectuels révolutionnaires, c'est l'heure du combat ! Unissons-nous ! Levons haut le grand drapeau de la Pensée de Mao Zedong, unissons-nous autour du Comité central et du Président Mao ! Brisons tous les contrôles et tous les complots maléfiques des révisionnistes, résolument, radicalement, totalement, complètement, détruisons tous les monstres, tous les éléments révisionnistes du type Khrouchtchev ! Menons jusqu'au bout la révolution socialiste !
Protégez le Comité central ! Protégez la Pensée de Mao Zedong ! Protégez la dictature du prolétariat ! ".

L'effervescence grandit. Mao Zedong fit cesser les spéculations sur son état de santé en nageant quinze kilomètres dans le fleuve Yangtsé malgré le fort courant. Le Comité central se réunit alors en une onzième session du 1er au 12 août 1966. Deux documents en ressortirent : " Décision du Comité central du Parti Communiste de Chine sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne " (dite décision en seize articles) et le " Communiqué de la 11ème session plénière du Comité central issu du huitième congrès du Parti Communiste de Chine ".



La décision de mener la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) précise très exactement la démarche. Il s'agit d'un mouvement de persuasion, seuls les contre-révolutionnaires actifs auront à faire face à la violence. La production ne doit pas être perturbée, l'objectif principal est de mettre hors d'état de nuire les droitiers.

Le mouvement des gardes rouges accompagne le mouvement. Initialement issuEs des écoles et des universités, les gardes rouges commencent alors, deux jours après une grande manifestation le 18 août, à attaquer pendant une semaine la bourgeoisie de Pékin. Les noms des magasins sont changés, les contre-révolutionnaires défilent à la vue de tous avec des panneaux indiquant leur caractère politique, la direction révisionniste de la ville est écartée.



Le mouvement des gardes rouges s'étend alors aux autres villes, et s'oppose très vite aux comités du parti. Les gardes rouges reprennent le mot d'ordre formulé par Mao Zedong dans un dazibao le 5 août : " Bombarder les état-majors ! ".



La GRCP vise alors la direction révisionniste dans le Parti lui-même, dont le leader est Liou Shao-chi, désigné comme " le haut responsable qui, bien que du Parti, suit la voie capitaliste ". La GCRP touche la classe ouvrière et gagne en qualité : des débats ont lieu sur les dérives économistes, ultra-démocratiques, voire anarchistes. Le Comité central (CC) donne alors des directives publiées le 26 décembre dans l'éditorial du Quotidien du Peuple.

Ces directives tracent le bilan de la construction socialiste et le rôle de la GRCP. Le CC constate que dans les usines les influences des idéologies non socialistes perdurent, que les " mauvais éléments " poussent également au révisionnisme. Partant de là la GRCP doit se porter dans les usines aussi. L'éditorial du 1er janvier dira également :

" Si la grande révolution culturelle prolétarienne se développe uniquement dans les bureaux, les écoles et les milieux culturels, elle s'arrêtera à mi-chemin ".
Mais les révisionnistes font l'épreuve de force et les 23 et 28 janvier le Comité central ordonne à l'armée d'épauler la révolution culturelle. La situation est d'autant plus compliquée que les révisionnistes se prétendent également partisans de la révolution culturelle, afin de la faire dévier et de conserver leurs prérogatives. En certains endroits ont lieu des affrontements armés. Globalement le mouvement réussit tout de même à s'imposer, et la 12ème session du Comité central d'octobre 1968 constate que la ligne révolutionnaire l'a emporté sur la ligne réactionnaire conduite par Liou Shao-chi.

b)Du révisionnisme de Lin Piao à Deng Xiaoping

C'est avec huit années de retard qu'a lieu le neuvième congrès du PCC, du 1er au 24 avril 1969. Le Parti a modifié son organisation ; les délégués au congrès ne sont plus élus par les militantEs mais issuEs de consultations démocratiques, processus d'échange entre les comités du Parti et les masses.



Il trace le bilan de la GRCP, et conclut dans son communiqué par le fait qu'elle doive continuer :

" En développant à l'échelle nationale un grand mouvement de masse pour étudier et appliquer de façon vivante la pensée Mao Zedong et liquider définitivement l'influence de la ligne révisionniste et contre-révolutionnaire de Liou Shao-chi, afin d'unifier les points de vue, les mesures politiques, les plans, le commandement et les actions ;
En continuant à s'appuyer sur les masses pratiquant la " lutte - critique - transformation " ;
En rééduquant les intellectuels envoyés auprès des paysans pauvres et moyens inférieurs ;
En luttant contre les tendances erronées de gauche ou de droite ".

Après le révisionnisme, c'est désormais le déviationnisme de gauche qui commence à menacer de plus en plus le Parti. Lin Piao, le dirigeant de la fraction gauchiste du Comité central, entend en effet faire dévier la ligne du Parti.

La ligne de Liou Shao-chi ayant été combattue, Lin Piao prône désormais le développement de la production comme tâche centrale. Il s'agit d'un retournement complet de son analyse, puisque initialement lui et sa clique se sont renforcés en soutenant idéologiquement au maximum la révolution culturelle. Lin Piao a en fait agi comme Khrouchtchev, qui était le plus fervent défenseur de Staline avant la mort de celui-ci. Lin Piao prônait le culte du " génie " que serait Mao Zedong, il avait une vision aristocratique des masses.



Lin Piao convoite le pouvoir, et encense Mao. Il fait en sorte d'exalter le culte de la personnalité de Mao :
" La Chine est un grand pays de 700 millions d'habitants qui a besoin d'une pensée unifiée. Ce n'est qu'en étant unifié par la pensée de Mao Zedong que l'on peut avoir une action unie. Un grand pays comme le nôtre demeurerait toujours une étendue de grain de sable dispersés, s'il n'avait pas une pensée unifiée. Seule la puissante pensée de Mao Zedong peut unifier idéologiquement notre peuple entier " (Pékin Information N°52 du 26-12-66).



Ceci peut sembler correcte car la Révolution Culturelle ne fait que commencer et a besoin de repères idéologiques. Mais Lin Piao va plus loin et met Mao sur un piédestal, le qualifiant de " sur-Homme ". Il tombe dans une déviation de gauche et attaque le marxisme-léninisme :

" Mao Zedong est le plus grand dirigeant de notre Parti et toutes ses paroles sont les normes de notre mouvement. Celui qui s'opposerait à lui, le Parti entier lui réglerait son compte, le Parti tout entier le critiquerait. Mao Zedong a réglé beaucoup plus d'affaires que Marx, Lénine, Engels. Eux, n'ont pas dirigé personnellement une révolution prolétarienne.

Ils ne ressemblent pas à Mao Zedong. Alors que lui, quel grand rôle il a joué sur le front des luttes politiques, et surtout quel rôle dans les combats militaires ! Lénine n'a pas duré aussi longtemps que Mao Zedong. La population de la Chine est dix fois celle de l'Allemagne, trois fois celle de la Russie, ses expériences révolutionnaires sont fécondes. La Chine est supérieure en tout. Dans tout le pays et dans le monde… Mao Zedong est le plus grand homme " (Discours de Lin Piao à une conférence élargie du Bureau politique le 18-05-66).



On voit donc que Lin Piao attaque le marxisme-léninisme en dénigrant Marx, Engels et Lénine sur des points totalement subjectifs et qu'il profère un nationalisme patriotique raciste. En fait, quand Lin Piao parle " d'autorité absolue de la pensée Mao Zedong ", il s'agit d'une tentative visant à utiliser la théorie de Mao Zedong contre lui-même.

La crise entre Lin Piao et Mao devient publique lors de la seconde session du nouveau Comité Central, réunie à Lu-Shan, du 23 août au 3 septembre 1970. Lin Piao, dans son discours original, s'y livre à ce que Mao appèle une " attaque surprise ". Il s'en prend notamment à Chou Enlai relançant la discussion sur le refus de prévoir dans la nouvelle Constitution un poste de Président de la République.

Lin présente cette attitude comme relevant d'une méconnaissance du génie de Mao et donc une opposition à la pensée de Mao. Mao lui répondra :
" J'ai parlé au camarade Lin Piao et certaines des choses qu'il m'a dite n'étaient pas très judicieuses. Par exemple, il disait qu'un génie n'apparaît qu'une fois en plusieurs siècles et, en Chine, une seule fois en quelques millénaires.

Cela ne correspond pas aux faits. Marx et Engels étaient contemporains et un siècle ne s'était pas encore écoulé que nous avions Lénine et Staline, aussi comment pourrions-nous dire qu'il n'apparaît un génie en plusieurs siècles ?…



Un certain personnage brûlait de l'envie de devenir Président de l'Etat, de briser le Parti et de s'emparer du pouvoir. La question du génie est une question de théorie. Leur théorie était une apriorisme idéaliste. Quelqu'un a dit que s'opposer au génie c'était s'opposer à moi. Mais je ne suis pas un génie !

J'ai lu les livres confucéens pendant six ans et les livres capitalistes pendant sept ans. Je n'ai pas lu de livre marxistes-léniniste avant 1918 ; aussi comment pourrais-je être un génie ? N'ai-je pas tracé des ronds autour de ces adverbes plusieurs fois déjà !… " (Mao fait allusion aux adverbes " génialement ", " créativement ", " intelligemment ", etc., employés par Lin Piao dans la préface du Petit Livre Rouge. Résumé des entretiens de Mao avec des camarades à divers endroits durant son voyage en province (été 71) tiré de Mao Tsetung Unhrehearsed, Penguin Books, 1974, pp.290 à 299).

Mao repoussera à nouveau la proposition de devenir Président :
" Il ne faut pas nommer un président de la république. Je ne désire pas être président de la république. J'ai déjà déclaré cela à six reprises…. " (Ibidem).

En fait, L'idée de Lin Piao semble bien être d'élever Mao pour qu'il soit dans les nuées. Placé sur le piédestal présidentiel il deviendrait statue. Un culte idolâtre l'entourerait d'encens : le grand prêtre en serait Lin Piao, le vrai maître de la Chine. Cependant le projet échoue.

En Décembre, le Comité des Affaires Militaires doit accueillir en son sein des militaires liés à Mao et la région militaire de Pékin, une de forteresses de Lin Piao, est réorganisée par Mao. De plus des généraux linpiaoïstes font leur auto-critique pour leur soutien à Chen Boda. C'est à peu près l'époque où Lin Piao qui se sent battu et sait que la défaite sera sans pardon accepte le projet de ses proches d'un complot militaire.

Voici un extrait du plan d'action 571 orchestré par Lin Piao :
" Les beaux jours de B52 [Nom de Code pour Mao] sont comptés. Il est préoccupé par l'établissement d'arrangements pour après sa mort dans les années toutes proches. Il s'inquiète à cause de nous. [Il s'agit du groupe d'officiers autour du fils de Lin Piao qui, à l'inspiration de Lin Piao et de son épouse Ye Qun aurait établi ce plan vers le 22 Mars 1971]. Il vaut mieux être décidé à faire quelque chose que d'attendre les mains liées. Devancer l'ennemi, plus tard politiquement, d'abord militairement…".



Mais leur plan est déjoué par la police politique et Lin Piao, son épouse et son fils prennent la fuite vers l'URSS (dont ils avaient le soutien) : le 13 Septembre, à 02h30 du matin, le " Trident " n°256 de l'armée de l'air chinoise s'écrase dans la steppe mongole à Undu-Khan et flambe. Mort de renégats en fuite, mort de traîtres volant vers l'URSS social-impérialiste.

Le PCC continue jusqu'au 10ème congrès d'août 1973 de combattre la ligne de Liou Shao-chi, tout en mettant en garde contre le gauchisme. Dans le communiqué du congrès le PCC dira :

" Le marxisme-léninisme nous apprend que la lutte dans le Parti est le reflet en son sein de la lutte des classes dans la société. Après l'effondrement de la clique du renégat Liou Shao-chi, la clique anti-parti de Lin Piao s'est portée sur la scène en vue de poursuivre l'épreuve de force avec le prolétariat ; c'est précisément une manifestation aiguë de la lutte de classes acharnée à l'intérieur et à l'extérieur du pays.



Dès le 13 janvier 1967, alors que la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne se trouvait en plein essor, le chef de file des renégats révisionnistes soviétiques, Brejnev, au cours d'un meeting tenu dans la région de Gorky, s'est lancé dans des attaques contre cette révolution, et a déclaré ostensiblement se tenir du côté de la clique du renégat Liou Shao-chi, disant à propos de l'écroulement de cette clique : " C'est une grande tragédie pour tous les communistes authentiques de Chine, et nous leur témoignons notre profonde sympathie ".

Qui plus est, Brejnev a proclamé publiquement que le principe politique de renverser la direction du Parti Communiste de Chine par la subversion continuerait à être appliqué, affirmant qu'il faudrait s'efforcer de la " ramener dans la voie de l'internationalisme " (Pravda, 14 janvier 1967).



En mars 1967, un autre chef de file du révisionnisme soviétique a déclaré plus cyniquement encore, au cours de meetings tenus à Moscou, que " les force saines représentant les véritables intérêts de la Chine prononceront tôt ou tard leurs paroles décisives " et " feront triompher les idées du marxisme-léninisme dans leur grand pays " (Pravda, 4 et 10 mars 1967).
Ce qu'ils entendent par " forces saines ", ce sont les forces pourries représentant les intérêts du social-impérialisme et de toutes les classes exploiteuses ; ce qu'ils appellent " paroles décisives ", c'est l'usurpation du pouvoir suprême du Parti et de l'Etat ; le " triomphe des idées " dont ils parlent signifie la prise du pouvoir en Chine par les pseudos marxistes-léninistes, les révisionnistes ; la " voie de l'internationalisme " dans leur bouche, c'est la voie consistant à réduire la Chine à l'état de colonie du social-impérialisme russe.

La clique du renégat Brejnev s'est empressée de se faire l'interprète du vœu commun des réactionnaires, trahissant ainsi la nature d'extrême-droite de la clique anti-parti de Lin Piao.



Lin Piao et la poignée de ses partisans fanatiques formaient une clique de conspirateurs contre-révolutionnaires qui " avaient toujours le recueil de citations à la main et les vivats à la bouche et vous prodiguaient en face des paroles élogieuses pour vous poignarder dans le dos ".



L'essence de leur ligne révisionniste contre-révolutionnaire et leur but criminel dans le déclenchement d'un coup d'Etat armé contre-révolutionnaire se ramènent à ceci : trahir totalement la ligne du 9ème Congrès ; modifier radicalement la ligne et les principes politiques fondamentaux définis par le Parti pour toute la période historique du socialisme ; faire du Parti Communiste de Chine, marxiste-léniniste, un parti révisionniste, fasciste ; renverser la dictature du prolétariat par la subversion et restaurer le capitalisme ".

c)le développement de la révolution culturelle

La Révolution Culturelle continue, montrant la voie de la libération et poursuivant dans la voie du socialisme et du communisme. Mais on peut se demander quelles ont été les changements apportés dans la vie de tous les jours des chinois et des chinoises ? Comment la société chinoise s'est transformée ?

On peut tout d'abord expliquer la transformation de la société chinoise par la création des communes populaires. La commune populaire rassemblait tous les domaines de l'organisation sociale en son sein : les domaines politique, économique, social, militaire et culturel. En 1973, la grande majorité des chinois vivaient dans les communes populaires, soit 600 millions de personnes sur une population de 750 millions d'habitants.



Comme le décrit l'économiste britannique Joan Robinson:
" L'économie chinoise est fondamentalement caractérisée par le fait qu'au moins 80% de sa population vit dans les communes où elle subvient à ses besoins en nourriture et en logement. Les surplus sont destinés au reste de la population et fournissent des matières premières (le coton particulièrement) à l'industrie " (Joan Robinson, Economic Management :China 1972, Anglo-Chinese Educational Institute, Londres, mars 1973.).

Les communes étaient l'expression d'une extrême décentralisation du pouvoir d'Etat, à la limite du " dépérissement de l'Etat ", concept essentiel de la philosophie de Mao Zedong et honni par Liou Shao-chi et ses fidèles qui croyaient en un Etat fortement centralisé, fonctionnant grâce à une hiérarchie rigide et structurée qui s'occuperait de tout, y compris de la vie du plus simple ménage.

Dans les communes, on ne trouvait aucun des attributs habituels de la puissance de l'Etat : on ne trouvait pas de traces de l'armée, de la police, de tribunaux ou de prisons, il existait tout au plus une milice populaire.



Alors on peut se demander : comment la criminalité était résolue ? En fait, le crime n'existait plus. Comme l'on constatait Wilfred Burchett, écrivain se rendant régulièrement en Chine de 1941 à 1976, et Rewy Alley, écrivant et sinologue résident en Chine depuis 1927 :
" Quand nous visitions une commune nous posions la question de la criminalité, on nous répondait : " le crime existera tant qu'existera la société de classes et la commune abrite toujours des éléments de l'ancienne classe d'exploiteurs ".

Et à chaque fois il ressortait que la crime n'existait virtuellement pas… Lorsque nous visitâmes la commune de Hau Chi, pendant l'été 73, on nous parla du problème en ces termes : " le crime n'est pas, et n'a jamais été un grave problème. De temps en temps, quelqu'un vole la bicyclette de son voisin ; mais justement, comme tout le monde se connaît, il est impossible de s'en tirer comme ça : les membres de votre équipe vont remarquer votre nouveau vélo, vous posez des questions sur le prix et l'endroit où vous l'avez acheté et pour peu que le bruit ait couru qu'une bicyclette a été volée, le coupable est repéré aussitôt.



-Et quand le coupable est découvert ?
Il subit la critique sévère des membres sa brigade puis fait son auto-critique, s'engage à ne pas récidiver et paie une amende s'il a endommagé la bicyclette. "

Nous soulevions chaque fois l'hypothèse du crime grave, l'assassinat par exemple. " Cela ne s'est jamais produit, tout juste avons-nous connu dans les premiers temps quelques incendies criminels, le fait d'ennemis de classe qui étaient au plus bas ; en général identifiés immédiatement par leurs voisins qui les faisaient arrêter par les membres du comité de sécurité publique de la commune, ils étaient remis aux autorités du comté où ils étaient jugés. Autrement, les infractions mineures sont corrigées par la rééducation communautaire " (La Chine une autre qualité de vie, cahiers libres 278-279-280, Ed. Maspéro, Paris, 1975.).

Le crime et l'insécurité n'étaient plus les problèmes de la société, ceci est du en grande partie au fait que les problèmes de logement, de vêtement et de nourriture avaient été réglés et donc que la criminalité en était réduite d'autant. En effet, les membres de la commune étaient devenus maîtres de leur destin, et il régnait une forte cohésion sociale dans la commune due au nouveau système social.



Cette cohésion sociale avait plusieurs facteurs. En premier lieu, les enfants ne devaient plus partir loin pour faire leurs études, ils allaient à l'école sur place, et s'ils poursuivaient des études supérieures, ils revenaient ensuite pour prendre le poste qui leur avait été réservé et pour lequel ils avaient été formés. Les enfants grandissaient au milieu des problèmes que leur éducation les préparait à résoudre. De plus, les écoles secondaires et les instituts de formation technique se trouvaient sur la commune, le problème de l'hémorragie des jeunes vers les villes était ainsi résolu.

Autre point important, le système d'enseignement est totalement modifié, et on parle alors de Système d'Enseignement Socialiste. C'est l'un des points forts de la Révolution Culturelle, et la Réforme de l'enseignement est l'une des 16 décisions prises par le Comité Central du PCC sur la GRCP :

" Réformer l'ancien système d'éducation ainsi que les anciens principes et méthodes d'enseignement est une tâche d'une importance extrême de la GRCP.
Le phénomène des intellectuels bourgeois dominant nos établissement doit complètement prendre fin au cours de cette Grande Révolution Culturelle.



Dans tous les établissements d'enseignement, il faut appliquer à fond la politique formulée par Mao Zedong suivant laquelle l'éducation doit être au service de la politique du prolétariat et se combiner avec le travail productif, afin que tous ceux qui reçoivent l'éducation puissent se développer moralement, intellectuellement et physiquement pour devenir des travailleurs cultivés dotés d'une conscience socialiste.

La scolarité doit être réduite. Le programme d'études doit être réduit et amélioré. Les matières d'enseignement doivent être radicalement réformées, certaines d'entre elles doivent tout d'abord être simplifiées. Tout en se consacrant principalement aux études proprement dites, les élèves et étudiants doivent apprendre encore autre chose. En d'autres termes, ils doivent non seulement s'instruire sur le plan culturel, mais également sur celui de la production agricole et industrielle et de l'art militaire ; et ils doivent participer, chaque fois qu'elles s'engagent, aux luttes de la Révolution Culturelle critiquant la bourgeoisie " (Décision du Comité Central du PCC sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, adoptée le 08 août 1966.).



Dans la pratique le système d'enseignement sera totalement transformé. Il n'y a plus d'examens. Après le secondaire, les étudiants doivent travailler pendant deux ou trois ans avant de se lancer dans des études supérieures. La demande d'entrée à l'Université s'accompagne d'un certificat fourni par l'unité où l'étudiant a travaillé, car ceux qui vont à l'université sont désignés par leur camarade, après en avoir exprimer le souhait.



En fait, la volonté était, en changeant les méthodes d'inscription des étudiants, de faire venir ces derniers directement des rangs des ouvriers, des paysans ou des soldats, pour qu'ils puissent retourner dans les communes, les usines ou l'armée, et y apporter leur connaissance et leur expérience.

Les cours sont donc gratuits et les étudiants touchaient un petit pécule, ceux qui avaient travaillé cinq ans avant d'accéder à l'université continuer de toucher leur ancien salaire pendant la durée de leurs études. Les fournitures, les soins médicaux ainsi que la pension étaient gratuits. Les étudiants se spécialisaient dans un domaine utile à leur commune, et ils revenaient généticien, agronome, ingénieur en hydraulique, électricité ou mécanique, expert forestier, médecin, professeur ou comptable, afin d'améliorer et de diversifier les activités techniques et scientifiques de la brigade.

Autre évolution importante dans la qualité de vie des Chinois et des Chinoises, l'évolution dans la domaine de la santé. Mao fera un appel pour une amélioration radicale des services ruraux de santé, le 26 juin 1965.



Selon un texte publié par un groupe de gardes rouges pendant la Révolution Culturelle, Mao accompagna son appel de remarques acides sur le Ministère de la Santé et sur l'attitude de nombreux médecins :

" Le ministère de la Santé publique ne travaille que pour 15% de la population du pays, et dans ces 15% on s'occupe surtout des seigneurs. Les larges masses paysannes ne reçoivent aucun traitement médical, elles n'ont ni médecin ni médicaments. Le ministère de la Santé publique n'est pas celui de tout le peuple, il vaudrait mieux le rebaptiser ministère de la Santé urbaine pour les seigneurs… ".

Mao demanda que l'on mette l'accent sur le travail médical en milieu rural. Cet appel suscita une large réponse et, à l'automne 1965, quelque 150 000 travailleurs médicaux quittèrent les villes pour apporter leur compétence aux régions rurales. Des centaines de milliers d'autres les suivirent les années suivantes. On peut tout de même se demander comment la Chine faisait pour soigner son énorme population et pour rattraper le retard que les services médicaux chinois avaient accumulé ?



Il y a trois éléments qui ont permis de soigner toute la population chinoise et de rattraper ce terrible retard : les " médecins aux pieds nus ", la médecine traditionnelle et l'aide médicale coopérative.



Les " médecins aux pieds nus " sont des officiers de santé locaux, qui reçoivent quelques mois de formation médicale de base et suivent des cours réguliers de perfectionnement. Ils peuvent soigner des maladies bénignes et faire appel à des médecins qualifiés pour le cas qui dépassent leurs compétences. On comptait plus d'un million de " médecins aux pieds nus " qui pouvaient atteindre 90% des brigades de commune.

L'écrivain Mark Selden qui avait fait une étude la situation, notait :
" En janvier 1971 plus de 330 000 travailleurs médicaux de villes, y compris les jeunes diplômés des écoles médicales, se sont installés dans les campagnes et 400 000 autres ont participé à des équipes médicales mobiles " (Mark Selden, Health and Revolution. The Chinese Medical System, Essay on Contemporary China, Peck, Schurman & Riskin eds, New-York, 1972.).



Ceci permit à la Chine d'obtenir un succès général sur le front de la santé. En effet, la syphilis sera éradiqué grâce à l'élimination des causes économiques et sociales de la maladie. Pour cela, il fallait supprimer les causes économiques de la prostitution : ainsi les bordels seront fermés, les pensionnaires séparées des tenanciers et organisées en groupe pour subir un examen, et recevoir une éducation et un traitement médical gratuit, puis elles retournaient dans leur village ou trouvèrent du travail en ville.

La source de l'infection était ainsi éliminée. D'autre part, une forte campagne de lutte contre la syphilis fut menée au niveau politique, où elle était montrée comme étant l'héritage de la vieille société. On apprit donc aux gens à lutter contre les maladies vénériennes.

Une fois qu'ils savaient comment la maladie s'attraper, comment il fallait faire pour la guérir ou la prévenir, comment appliquer ce savoir à travers leur conscience politique, ils pouvaient se défendre eux-mêmes. Ils pouvaient acquérir l'immunité par le savoir, ce qui avait l'avantage de ne rien coûter. C'est le concept d'immunité de masse qui peut être autant, sinon plus, efficace qu'une immunité réalisée par des moyens médicaux.

En janvier 1958, les spécialistes de huit grandes villes, y compris Pékin, Changaï et Tientsin, n'ont enregistré que 28 cas de syphilis infectieuse pour les années 1952-54, et en 1964, le taux d'incidence dans ces mêmes villes était estimé à moins de 2 cas pour 10 millions de personnes, aucun cas n'étant enregistré à Shanghai et Tientsin. (Mao Tse-tung's Thought as the Compass for Action in the Control of Veneral Diseases, Dr. Ma Haï-The, I'institut de dermatologie et vénérologie de l'Académie des sciences de Chine, Octobre 1966).

D'autres grands pas sont faits dans le domaine de la médecine, comme le problème des opiomanes qui est très vite résolu par la suppression de l'approvisionnement et par le traitement des opiomanes qui étaient enfermés dans des enceintes spéciales pendant des semaines ou des mois, et qui recevaient une éducation politique et une bonne nourriture, en quantité suffisante pour la première fois de leur vie.

Complètement privés de drogue, le plupart d'entre eux se sont désaccoutumés, puis retournaient participer à la vie collective. La Chine connaissait alors un bouillonnement d'expériences scientifiques dans le domaine médical, et on découvrit l'anesthésie par acuponcture.



Jusqu'alors, elle n'était utilisée que pour soigner un certain nombre d'affections, mais elle se révéla avoir plusieurs avantages pour l'anesthésie : absence d'effets toxiques propres aux anesthésiques classiques, et donc réduction de la période post-opératoire ; le patient est pleinement conscient et donc il saigne moins ; dans certains cas, il peut aider le chirurgien en décrivant ses sensations.

Absence de police, de tribunaux ou de prisons, système d'enseignement permettant à toute personne d'étudier et de travailler dans la spécialité choisie, bonne santé physique et morale de la population, sentiment d'agir dans le sens de l'émancipation de l'humanité, voilà ce qui caractérisait la Chine sous la Révolution Culturelle et ce qui permet d'affirmer que la qualité de la vie en Chine a été la meilleure jamais connue par l'humanité.

Pour conclure ce chapitre, on peut se joindre à la définition de la Révolution Culturelle faite par Charles Bettelheim :

" La Révolution Culturelle doit être comprise comme un moment de la lutte entre la ligne prolétarienne du PCC et de la ligne bourgeoise. Ce moment a ses particularités mais la lutte, elle, continue : elle a existé avant la Révolution Culturelle et elle est destinée à se prolonger aussi longtemps qu'existe la bourgeoisie et les idées bourgeoises et donc que le prolétariat et la bourgeoisie continuent à s'affronter.

Pour mieux comprendre ce qui précède, il faut rappeler un certain nombre de points décisifs. Si prolétariat et bourgeoisie continuent à exister sous la dictature du prolétariat, c'est que les rapports capitalistes (sur lesquels repose l'existence objective de la bourgeoisie et du prolétariat) ne disparaissent pas purement et simplement avec la révolution prolétarienne, ni même avec le prédominance des formes socialistes de propriété.



Par suite de l'existence de ces rapports capitalistes, les travailleurs continuent à être partiellement séparés des moyens de production et une minorité a encore la possibilité de déterminer l'emploi de ces derniers. L'objectif fondamental de la ligne prolétarienne est précisément de faire disparaître les rapports capitalistes et avec eux les classes dont ces rapports fondent l'existence.

Cet objectif ne peut être atteint que par la transformation révolutionnaire de l'ensemble des rapports sociaux : des rapports de production et des rapports politiques et idéologiques " (Ch. Bettelheim, Révolution Culturelle et organisation culturelle en Chine, Petite Collection Maspéro, 1973, p120.).

Malgré tous ces bouleversements, la lutte de classes ne sera que plus aiguë, et les déviations à droite et à gauche essaieront de mettre en péril les changements apportées par la ligne révolutionnaire.



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